SGXV
J'accuse ! J'accuse ! J'accuse la municipalité de X d'avoir donné le nom de « rue Émile Zola » à une toute petite impasse perpendiculaire à la rue Marius Allégret !
N'allez pas croire pour autant, à partir de la déferlante de mes « J’accuse » que j'ai réellement quelque chose contre X, contre SGXV en fait. C'est une ville bien agréable au contraire. On pourrait l'appeler « La Paisible », ce havre de tranquillité pour les oiseaux voyageurs, ce lieu de villégiature en bord de mer pour ceux qui ont l'espérance de vacances reposantes.
Je regrette de ne pas l'avoir plus parcourue en long, en large et en travers cet été. Si j'avais été seul j'aurais pu me constituer une jolie collection de noms de villas. Ces maisons de vacances semblent avoir été posées là au début du 20e siècle, à la belle époque, et s’y trouver pour l'éternité, enfin l'éternité moins un tsunami ou moins une montée des eaux.
La Villa Félicité, l'hôtel Frédéric, Fleur des dunes… Il y a là de quoi partir en livre. Un jour je le ferai peut-être. Je reviendrai avec mon matériel d'aquarelliste et face à la villa « La Chimère » je suivrai la mienne. Je m'interrogerai : laquelle des trois sœurs Allégret avait bien pu poser dénudée, en cachette de toute la famille, pour ce sculpteur suédois prénommé Hugo ? Était-ce Gaïa Allégret ? Elle avait des formes généreuses et toujours l’air rêveur. La statue, intitulée « La Baigneuse » est toujours en place face à la mer, pas loin de la forêt, prêt du café de la Plage où j'irais, chaque après-midi, relire sur ma tablette l’œuvre de Régis Franc qui porte le même titre.
Ou était-ce Sandy, qu’on appelait « La Sirène » ? Elle se parfumait au patchouli et m'appelait « Toto le clown » ou « le galéjeur ». C'était une garçonne au langage peu châtié. Elle jouait au tennis et faisait du vélo - on disait encore de la bicyclette à l’époque -. Souvent elle proclamait en riant « Je marche, je roule, je reste cool ! » ou provoquait, lucide sur ses extravagances et sa situation de pauvre petite fille riche : « Je ne suis pas toujours chiante : parfois je dors ! A part ça, ici, c’est la maison du bonheur : la Mamma prend soin de nous, la cuisinière est bonne, c'est la bella vita ! ».
Les jolies françaises que c'étaient là ! J'étais plus intrigué par l'aînée, plus réservée, presque toujours silencieuse. On ne lui connaissait aucune liaison, masculine ou féminine. Sandy l'appelait « La fée no men ». Elle m'attirait énormément mais malgré quelques timides travaux d’approche, je n'ai jamais pu percer les secrets de Louison.
Les sœurs Allégret ! Quel joli roman parfumé aux fruits de la passion je prépare là !
Moi, dans ma bulle, à l'instant présent, devant les petits carreaux de mon cahier je suis toujours prêt à laisser mon imagination partir en croisière. C'est mon péché mignon. La galopeuse s'en va danser la farandole sur les vagues, elle invente des souvenirs de vie. S'il y a une bonne brise elle flanque le chaos dans les atolls des vies privées, elle fourre son grain de sable dans la discordance des temps et quand elle manque de tomber dans le trou du diable ou se fait envoyer sur les roses par la réalité elle revient, à l'heure des sages, comme un vieux loup de mer fatigué, sur le quai du Port fidèle ou Violette et moi nous vivons notre Vie.
Oui j'ai mis une majuscule à "Vie" parce que j'ai découvert là-bas que c'est une rivière, la Vie. Elle se jette dans la mer à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, SGXV, et du coup c’est même un fleuve. La Vie est un fleuve tranquille et la nôtre, Dieu merci, ne tire pas trop en longueurs !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 10 octobre 2023
à partir de la consigne AEV 2324-05 ci-dessous.