Pas d'Nom, Pas d'Maison à Locquémeau (Côtes d'Armor) le 14 juillet 2022 (1)
Si j’étais réellement snob ou plutôt si j’avais été réellement snob, ce soir-là, je serais allé me poser aux côtés des petites filles qui jouaient aux échecs dans le café Théodore, à cet endroit du Trégor qu’on prétend être Locquémeau. C’eût été dommage pour mes oreilles et pour mes yeux de photographe. C’est comme ça, on n’a pas encore trouvé le moyen de se dédoubler, d’être à deux endroits à la fois, de faire deux choses en même temps.
Ca s’est passé le dimanche soir, le jour où on était allé chercher le journal à Trébeurden et que l’on avait pour cela randonné pendant 19 kilomètres. On s’est mis en route sur le coup de 20 heures en direction de Locquémeau pour aller y entendre, au café Théodore, le fils de Sonia qui jouait de la basse dans le groupe « Pas d'Nom, Pas d'Maison ».
Locquémeau, nous, on ne connaît que le port. On s’y arrête pour boire une limonade avnt de repartir quand on fait la randonnée depuis Le Yaudet. Alors forcément ce soir-là on va jusqu’au port. Et là, rebelote, pas d’autre moyen quand on est véhiculé par une ancienne scoute qui se refuse à installer un GPS dans sa voiture que de descendre et d’interroger un passant.
Ca se fait sur fond de coucher de soleil et déjà je regrette de ne pas avoir le don d’ubiquité : je resterais bien là pour voir comment ça va tourner ce soir. Cette couleur jaune doré du ciel, je n’ai pas encore vu cela à Beg Léguer !
Très aimable, le passant. C’est un jeune papa à pied qui rentre chez lui en poussant son vélo où trône sa petite fille royalement installée dans son siège à l’arrière. Il affermit sa position et, sans faire de gestes qui lui feraient lâcher le guidon, il m’explique que nous devons prendre la première à gauche, monter, franchir un ralentisseur, puis un deuxième ralentisseur et qu’après celui-ci il faut tourner à droite, que le café Théodore est là et qu’il y a un champ un peu plus loin qui sert de parking. Parce que c’est difficile de garer par là, précise-t-il.
On s’exécute. On fait bien un kilomètre avant de trouver le premier ralentisseur. On sort de Locquémeau sans avoir croisé le deuxième. On est dans la cambrousse déserte en train de se demander si on ne nous mène pas en Oldsmobile – l’Oldsmobile, si vous avez bien suivi, est le bateau préféré des habitants de Trébeurden -. Se profile à l’horizon un hameau de deux trois maisons précédé d’un panneau indicateur et, miracle, à l’entrée, un ralentisseur. Du coup on crie victoire : il y a effectivement une route à droite et une flèche marquée « Café Théodore ». Qui se trouve donc non à Locquémeau mais à Kerguerven !
Et là dites donc, ce n’est pas commun ! Il y a des tas de voitures tout au long de la rue ! On passe au ralenti. La terrasse du café est blindée de monde, style « Les Champs Elysées dans un sous-sol avec des fous ». Comme prévu, on s’engage dans un parking genre « Fête de l’Huma à Notre-Dame-des-Landes chez les derniers babas cools de la planète Terre cultivant leur Carhaix de choux avec des vieilles charrues », je charrie à peine.
Dans le parking, bouchon ! Trois jeunes filles devant qui papotent avec une organisatrice (?) tandis qu’un combi Volkswagen fait une manœuvre pour essayer de faire de la place. Jean-Marc Ayrault, vous ici ?
Une jeune femme qui n’a pas fait Woodstock mais qui aurait pu au vu de son look nous signale que le parking est plein et qu’il faut retourner à l’entrée du parking et refaire un tour. Si on attrape le pompon de ce manège on gagne... une place ou un autre tour gratuit ? Finalement on repasse devant le bistrot, on regagne la route « principale » et pouf, on trouve une place, juste là au coin, dans le virage, que si la fourrière locale ça lui plaît pas, elle n’a qu’à embarquer notre teuf teuf !
Cela fait, on entre dans le café bondé avec les gamines qui jouent aux échecs, tous les gens qui font la queue devant le comptoir non pas pour payer l’entrée au concert mais pour emporter des boissons dans la cour. Jamais vu un aussi grand rassemblement de soiffards que ce jour dans le Trégor ! Une grande cour avec des tables et des chaises partout, un stand de restauration et un chapiteau de cirque ouvert sous lequel se produira l’orchestre.
On retrouve Dame Sonia, sa sœur, ses amies, on nous présente son fils, on va voler deux chaises dans le troquet vu qu’il n’y a plus où s’asseoir dehors et finalement c’est Marina B. qui se dévoue pour aller faire la queue et ramener deux jus de pommes, moi le poireautage de ce midi pour la barquette de frites m’a suffi !
21 heures 15, le concert commence. Folle ambiance de fête d’anniversaire : le groupe fête ses vingt ans d’existence et la fin de sa tournée estivale « à vélo ». Les musiciens ont pédalé tandis qu’un camion emmenait leurs instruments d’un lieu de concert à l’autre.
La musique des Balkans est bonne, ils sont vingt sur scène et ils sont photogéniques ! Une excellente soirée au terme d’une excellente journée !