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Mots et images de Joe Krapov
28 mai 2022

99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 71, Hyperbole

C’était le plus innocent, le plus candide, le plus immaculé, le plus inoffensif, le plus affectueux, le plus caressant, le plus doux des êtres que portait la terre. Un véritable agneau. D’ailleurs c’était un agneau, magnifique, prometteur, blanc comme neige, très vivace, étonnamment déluré, plein d’appétit. Certes il ne pesait pas bien lourd encore mais le cours du temps arrangerait les choses. A paître dans les herbages de notre beau pays, la Lybie, dont la publicité de Sa Majesté disait qu’on n’avait rien vu de plus vert en ce bas monde à part peut-être les grivoiseries du trouvère espagnol Don Diego de Las Vegas de La Sarthe que, du reste, personne ici ne connaissait, il deviendrait, l’agneau, pas le poète, une belle et grasse brebis dont la viande tendrissime donnerait son pesant de côtelettes, de gigot, de collier et d’épaule et rapporterait, au marché d’un de ces samedi, au propriétaire éleveur, le sidi Mathurin Lepopeille, un pactole mirifique, une hyper plus-value, un rendement maximum, un retour sur investissement comac, de quoi arrondir sa pelote qui était déjà conséquente vu qu’il possédait le plus gros troupeau du canton.

Seulement… Seulement, d’un coup de son lance-flamme incorporé, un dragon, surgi de la nuit à la rencontre de l’aventure au triple galop, ou plutôt au trot ou même à son allure d’animal dandinant, l’avait grillé sur son super-barbeuc en kit de chez Ikéa-drive et n’en avait fait qu’une seule bouchée.

La suite, vous la connaissez, ou vous croyez la connaître parce que vous l’avez lue dans les journaux.

Dites-vous bien que tout est faux ! Qu’on vous ment éhontément ! On vous fait prendre des méga-vessies pour des big lanternes au point de vous brûler l’entendement ! Cette histoire de chevalier Saint-Georges, c’est calembredaines et compagnie ! Coquecigrues de chantier, carabistouilles d’estaminet minable, supermenteries guignolesques, inventions de moinillons, manipulation, pire, défèque-niouzes ! Elucubrations d’Oulipiste ! Bourrage de crâne pour embrigadement dans une secte dont on nous fait croire qu’elle a réussi ! Si cette conversion massive à la foi en un Christ rédempteur avait réellement eu lieu, comment expliquer l’absence de toute cathédrale, de tout calvaire aux carrefours, de tout pèlerinage pour remercier un quelconque saint-guérisseur du panaris douloureuxissime sur le majeur en Libye ? De nos jours, 97 % de la population libyenne est musulmane, l’Islam est religion d’état et la charia a valeur légale. On nous aurait menti à l’insu de notre plein gré ? Il y aurait eu un grand remplacement ou quoi depuis ?

Et puis cette histoire de roi débonnaire – oxymore de rire on est, tous les rois sont sanguinairissimes à l’époque, les empereurs hyper-sadiques ou complètement barjots, il n’y a qu’à lire Suétone pour s’en convaincre, les triumvirs sont bien souvent une andouille, une andouille et un assassin – ce monarque tout sauf shakespeakrine, pardon, shakespearien, c’est du pipeau, magnifiquement joué, certes, mais pareil au concerto pour piccolo de Vivaldi : c’est joli pour l’oreille mais pas crédible en tant que « grande musique ». 

Que dire de cette armée déliquescente, composée de gros lâches qui font dans leur froc alors qu’on leur demande juste de rejouer Pierre et le loup ? C’est Pagnol à Hollywood, pas crédible, incroyable, merveilleux. Dès qu’il s’agit de trancher dans le lard, de casser du sauvage, de plumer de l’Indien, de buter du gars d’en face, de démonter la gueule à qui ne nous revient pas, tout le monde se précipite comme un gorille en rût à l’assaut des gendarmes de Brive-la-Gaillarde et croyez-moi, on s’en souvient, chez Dame Yvanne, de cette hécatombe-là. Pas de dérogation ici, on sait tous être sévèrement burnés, éparpiller façon puzzle, balancer la purée, les gnons et les mandales aux vandales. Toute castagne est bonne à l’homme des cavernes qui sommeille à peine en nous dès qu’il s’agit de fuir l’ennui du casernement. A quoi ça servirait sinon que les trouvères, les aèdes, les bardes se cassent le tronc à composer des chansons de geste, des épopées de plus de mille vers, des Iliades, des Odyssées, des chansons de Roland qu’on accompagne au synthé ? Autant faire accroire que Poutine est fou et que c’est à reculons qu’il envahit un pays voisin qui, tiens donc, est leader en exportation de blé et autres denrées nécessaires. Elle est verte, elle est verte, l’herbe du voisin !

Qui y croirait un seul instant au pacifisme effréné des militaires, au « Tu ne tueras point » des mercenaires, au « Je peux pas j’ai poney » de légionnaires devenus soudain pleutrissimes ? « Du sang, du sang, du sang ! » crie-t-on peut-être encore à la moindre bagarre dans les cours des collèges et lycées de notre république ! Comment, en primaire aussi ?

Jules Claude Ziegler - Saint-Georges (MBA Nancy)

Jules Claude Ziegler - Saint-Georges (Musée des Beaux-Arts de Nancy)

Nous ne perdrons pas notre temps non plus à discuter de ce fameux Saint-Georges. Vous avez vu les représentations de ce freluquet dont on se demande ce qu’il est dans le bouquet LGBTQIA+ que moi-même je sais même pas traduire ce signe ? Pratiquement toujours androgynissime, propre comme un sou neuf alors qu’il vient de se farcir, déserteur en cavale, un Nicomédie – Mazaca sous une pluie digne d’un Paris-Roubaix de légende – nous avons retrouvé les bulletin météo de mars 303 : c’était pis qu’à Waterloo, la flotte, ça tombait comme à Gravelotte, ca pissait aussi dru que la jument de Gargantua pendant les guerres picrocholines – et le gars arrive, hyper-smart, gravure de mode, il nous la joue façon Georges Clooney sortant du pressing et s’en va dessouder d’un seul coup de cure-dent un monstre gros comme un lézard ? Trop fastoche !

Laissez tomber ce fatras d’incongruités, cette hagiographie stupide dont ni Netflix ni Disney + ne voudraient comme intermède entre deux pubs. La vérité est bien celle qu’ont rapportée les seuls courageux journalistes de « Libye détective » : quand il a vu le crime, Mathurin Lepopeille est rentré chez lui hors de lui (?), il a empoigné sa carabine 22 long rifle et il a descendu d’un coup le dinosaure carnivore. Ensuite sa femme Olive en a fait des conserves pour l’hiver. Chez nous rien ne se perd.

Oeil pour oeil, dent pour dent ! Faut pas emmerder les paysans sur leurs terres, surtout s’ils sont affiliés à la NRA* de l’époque.

*National Rifle Association. En fait c’étaient les mêmes initiales que portaient à l’époque les ceusses qui ne voulaient pas qu’on dérobât leur Darmanin de jardin : « Nardinamouk ! Recule, Affreux ! ».


Ecrit pour le Défi du samedi n° 717 d'après cette consigne : hyperbole

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