Si tu veux faire mon bonheur....
... Marguerite, donne-moi ton coeur ! (air connu).
Et donc, ce 13 février 1916, Marguerite De... devient veuve et ses deux enfants, Léon et Constant, 6 ans et 3 ans, orphelins de père. La guerre de 14-18, contrairement à ce que chante Brassens, ce ne sera jamais la guerre que ils et elle préfèrent !
Après il faut du courage à ce beau monde pour porter un tel deuil. N'étant ni psychanalyste, ni historien, je n'ai pas eu à interroger mes aïeux sur cette période alors du coup je n'ai que les dates de Généanet pour faire le lien avec les deux autres photos qui me restent de la famille De... qui peuvent être datées d'avant la deuxième guerre mondiale.
Et donc le 2 novembre 1921, Marguerite, pas forcément vêtue de noir et pas forcément veuve joyeuse de Franz Lehar pour autant, devient Madame Li... Elle épouse Auguste Li..., un autre ouvrier mineur né à Oignies le 1er septembre 1887, fils de Auguste Li... 1853-1902 et Augustine Tu... 1858-1922.
Cet Auguste avait épousé en 1911 une Fernande De... qui lui avait donné deux fils : Auguste Arthur Li... 1912-1996 et Fernand Li... 1913-2004.
Le mystère de Fernande !
Qu'est-il arrivé à Fernande qui me fait tant rire ce soir où j'investigue sur des parfaits inconnus ? Simplement, d'après certaines notices de Généanet, elle serait décédée en 1911 avant de donner naissance à ses deux fils ! J'ai fini par arriver sur la bonne notice qui me dit qu'elle est morte en 1972 à l'âge de 80 ans et qu'elle et Auguste avaient divorcé le 9 mars 1920.
Abrège, Joe Krapov !
Marguerite et Auguste, quatre garçons sur les bras - encore qu'on ne m'ait jamais parlé de ces demi-frères en forme de pièces rapportées de famille recomposée - sont heureux de vous annoncer la naissance de Gilberte-Augustine Li... !
A vous de trouver sa date de naissance d'après la photo suivante !
Cette photo a été prise en 1933. Elle représente Gilberte avec ma grand-mère, Victorine, qui tient sa fille Jeanne, ma mère, dans ses bras. Si vous lui donnez entre neuf et onze ans, elle est née en 1922 ou 1924.
Et comme la vie des pauvres gens n'est parfois qu'une suite de malheurs, Gilberte est décédé d'une méningite seize ans après sa naissance. Cela a bien affecté mes grands-parents qui l'aimaient beaucoup et qui, pudiques ou orgueilleux, s'abstenaient de parler d'elle pour ne pas raviver leur douleur quand on explorait avec eux, avec la grand-mère surtout, les boîtes de photos qu'on avait sorties du buffet du couloir.
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Mais j'en viens au meilleur en retournant au grand-père Auguste que j'ai dû connaître alors que j'étais tout petit. Il est mort en 1962 alors que j'avais sept ou huit ans. 1962 ! Epoque opaque où tout le monde n'avait pas une voiture, un frigidaire, un joli scooter, une tourniquette à faire la vinaigrette ou un smartphone pour s'empêcher de penser ! L'arrivée de la télévision dans les foyers, ça a été d'abord chez Auguste et Marguerite. Elle était en noir et blanc, une seule chaîne, posée dans le coin de la pièce unique de la longère où ils habitaient. La visite aux aïeux était devenue un rituel pour les différentes branches de la famille : les enfants de Léon venaient du centre du village, ceux de Constant du coin de la rue. Il y avait un poêle à charbon qui ronflait, on pouvait bien être dix ou quinze là-dedans à regarder le jeu de la Chance, Télé-dimanche, à regarder le film, puis, plus tard, Les Trois coups et Thierry la Fronde avant de s'en retourner chez soi.
Je n'ai pas assisté à la scène mais ma grand-mère me l'a racontée. C'était un dimanche où on passait un bon vieux western des familles avec une bataille entre cow-boys et Indiens. A un moment le Grand-père Auguste est parti dans sa chambre et puis il est revenu armé d'un pistolet à bouchons et à bombardé le poste en hurlant : "Pan t'es mort !" L'ambiance !
Un autre de ses faits d'armes de retraité qui s'amuse comme il peut est le suivant. Il avait fabriqué un piège à oiseaux de ce style. Le bâton qui soutenait la cage était relié à sa main droite par une longue ficelle. Quand l'oiseau allait picorer les graines qu'il avait mises dessous, il tirait la ficelle et le piaf était emprisonné. Il allait le chercher et procédait à la même opération savamment préparée : il avait découpé dans du carton une espèce de crète de coq qu'il avait colorée en rouge ; il l'enduisait de colle et la posait sur le bec de l'oiseau puis attendait que ça sèche. Alors il sortait et relâchait l'oiseau ! Et il se réjouissait quand un oiseau ainsi décoré par ses soins se faisait prendre au piège une deuxième fois !
Si mes enfants passent par ici, qu'ils le sachent : je ne suis décidément pas le plus farfelu des zozos de la famille !
Sacré (arrière-)grand-père, va !
P.S. Vous avez remarqué ? Cet Auguste était fils d'un Auguste tout comme Léon 2 était fils de Léon 1 et comme Constant 2 était le neveu de Constant 1 et comme Léon 3 est le neveu de Léon 2 ! Eh bien, il n'empêche ! Avec ce système de prénommer les enfants comme leur père, je puis affirmer qu'il y a un phénomène constant dans la famille De... : depuis 1885 il y a toujours eu un Léon De... à s'agiter du côté d'Oignies et de Libercourt ! ;-)