RACONTE PAS TA VIE !
Ils ou elles se posent un peu là : il existe des gens pour qui le mot « diapason » n’évoque rien du tout. D’ailleurs, la plupart du temps, les mots que distribue l’oncle Walrus, chaque samedi que Dieu le mélophobe nous attribue encore, ils n’y entendent rien. Souvenez-vous du capodastre !
Du coup ils s’en vont voir chez Madame Wikipe et découvrent la note "la majeur", mètre étalon des violonistes, et les différentes formes que peut prendre l’instrument qui la fait résonner.
J’ai l’air de médire, comme ça, mais je suis de la même espèce que vous ! Chaque semaine, j’apprends des tas de mots et de choses grâce au Défi du samedi mais il se trouve que désormais pour moi, « diapason » a un autre sens et évoque d’autres moments d’accordage, aussi techniques sans doute mais bien plus plaisants.
Le Diapason est le nom d’un lieu de plaisirs divers installé sur le campus de Beaulieu à Rennes. On trouve là une cafétéria tenue par de sympathiques jeunes femmes, une salle de sport pour étudiant·e·s athlétiques, une salle de spectacle, un hall d’exposition, des salles de réunion et les bureaux du service culturel de l’Université de Rennes 1.
Je vais là tous les jeudi après-midi. J’arrive à 13 h 45, je sors deux ou trois jeux d’échecs du placard et j’installe les pièces sur les plateaux. A 14 heures mes acolytes me rejoignent et, après quelques échanges, autour d’un café, de plaisanteries à propos du Stade Rennnais football club, nous disputons des parties endiablées… auxquelles personne ne comprend rien ! C’est normal, nous poussons du bois, c’est-à-dire que diapason 440, intervalle d’octave, zugzwang, défense Philidor ou Italienne (Sylvana Mangano, a dit Maurice hier !) mes partenaires se fichent de la technique ou du nom des ouvertures comme de leur premier slip aéré. Ce qui explique pourquoi, bien plus souvent qu’à mon tour, je gagne les parties que je joue ! Je ne dédaigne pas pour ma part de lire Europe-échecs ou Ludek Pachman ni de suivre les conseils de Monsieur Quénéhen sur sa chaîne Youtube !
Mais revenons à nos boutons d’accordéon ! Un mardi matin tous les quinze jours je reviens au Diapason avec ma guitare sur le dos et mon chariot bourré d’un pupitre, d’une boîte d’harmonicas et de cahiers de partitions pour jouer de la musique avec un violoniste, un accordéoniste et une dizaine de chanteurs et chanteuses. Ici aussi, c’est moi le chef, même si cela m’occasionne beaucoup de travail à la maison ! Nous répétons de 10 heures à 11 heures 30 dans la salle du Refuge du Diapason, à l’étage.
Avant cette ténébreuse affaire de Covid 19, nous avions l’habitude, trois fois dans l’année, de monter sur la scène du Diapason pour faire entendre nos bêtises chantées aux autres membres de l’association réunis pour l’Assemblée générale ou la galette des rois. D’ailleurs, nous avons récidivé récemment et rejouerons le 31 mai à l’A.G. de l’A2R1.
Quand arrivent ces trois jours de prestation publique nous avons pris l’habitude de rester ensemble à la cafétéria le midi et de prendre le repas en commun.
Et c’est là où je remercie l’oncle Walrus de m’avoir fait plancher sur le « diapason » qui permet aux musiciens de s’accorder et sur le Diapason qui permet au loup solitaire que je suis d’être plus en harmonie avec ses contemporains (beaucoup plus que pendant un spectacle au TNB, un concert de rap ou une campagne électorale, par exemple). Car je vais enfin pouvoir raconter cette anecdote ahurissante que je n’ai relatée qu’à Marina Bourgeoizovna qui supporte depuis longtemps mon répertoire de chants de marins et de chansons de marrants.
Un jour que nous étions à table pour ce fameux repas trimestriel, quelqu’un a posé la question de nos origines diverses. Nous avons fait un tour de table : il y avait un Ch’ti, une Mayennaise, des Rennaises, une Parisienne, des Malouins…
Vous le croirez ou non mais je vous jure que c’est vrai : les natifs-natives de Bretagne étaient d’un côté de la table, les autres, de l’autre !
Mélangez-vous, qu’ils disaient !
Ecrit pour le Défi du samedi N° 713 d'après cette consigne : diapason