PARIS-PROVINCE
Bien entendu, six mois après, je mélange un peu les randonnées. Celles, normandes, d’Annoville et celles, bretonnes, de Poulennou. Ce que c’est que d’aller dans les bouts du monde dont le nom comporte deux « n » ! Me souviendrais-je mieux d’une ascension de l’Annapurna ou de la randonnée périphérique autour d’Annapes ou de Vincennes ? Pas sûr !
Ma mémoire a jeté le nom de ce manoir aux orties. Peut-être est-ce Kérizy ? Il se situe sur le chemin qui va, dans l’intérieur des terres, de Poulennou à Cléder et sur lequel à un moment, j’ai cru m’être perdu et avoir pénétré dans une grand propriété privée. Heureusement les garde-chasse du coin ne me sont pas tombés dessus avec leur tromblon ; je n’ai pas dû subir, même par le verbe, ces violences que des flics imbus de leur force et de leur pouvoir infligent à des gilets jaunes en vadrouille. On est plus civilisé qu’à Paris dans le Finistère !
Pour vérifier ce Kérisy, il suffirait que j’aille consulter mon avant-dernier cahier d’écriture nomade. Ou, sur l’ordinateur, le répertoire des photos de juillet 2021. Ces deux instruments-là me servent de dateurs et j’ai aussi la ressource de ressortir la carte IGN bleue sur laquelle j’ai repéré ce circuit accompli en solitaire, au milieu des champs et du petit bois sous un cagnard exceptionnel cet été-là. C’est l’année où nous sommes partis en vacances les deux seules semaine où il a fait beau sans discontinuer, les autres semaines ayant été du genre à vous filer une angine en juillet et le coryza en août !
J’étais donc là, au bout de ma course, à battre tout seul le pavé de Cléder quasi déserte, à photographier les mosaïques de la grand’place quand un gars est sorti de la salle municipale et m’a dit :
- Si vous aimez les belles choses, entrez donc ! Il y a de quoi vous satisfaire à l’intérieur !
C’est comme ça que j’ai eu le droit de photographier, en avant-première ces tableaux d’avant vernissage. Je me suis bien gardé de dire aux charmantes personnes qui peaufinaient l’accrochage des toiles et photographies que j’afficherais un jour futur des fragments de cette exposition sur Internet. Il y a toujours des gens rétifs à cet outil, des rebelles à la diffusion voire à la captation des images.
Mais quoi ! Si, comme ici ce jour, on ne glorifie pas les talents des peintres locaux, la beauté des paysages maritimes sur le sentier des douaniers entre Moguériec et Kerfissien, que trouvera-t-on sur nos écrans, dans nos radios ou nos journaux ?
Des tronches d’ambitieux qui veulent devenir calife à la place du calife? Des émissions de variété qui ressortent Chantal Goya de la « et j’ai crié Naphtaline pour qu’elle revienne » ? Chantal Goya qui était si Bécassine’s cousine à la fin de sa vie qu’elle croyait qu’elle faisait de la peinture !
Non, vraiment, si l’heure est au retour des valeurs du passé, de « Maréchal nous voilà », de « Sens commeun », de la francisque et des nervis à battes de base-ball, alors laissez-moi rêver dans mon coin devant le frais minois des dames de Cléder, devant l’image naïve et délicieusement enfantine de cette Bretagne blanche et bleue où le touriste que je suis trouve toujours à s’émerveiller. S’il n’est bon (monde à la Houelle)becq que de Paris, je vous le laisse !
Merci à vous, gens de Cléder !
P.S. Et désolé pour ma mémoire déjà défaillante : c’est le manoir de Tronjoly qu’on voit sur la première aquarelle !
Pondu à l'Atelier de Villejean le mardi 7 décembre 2021 à partir de la consigne 2122-12 ci-dessous