99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 59, Anagrammes
Gardons-nous des dragons ! Il suffit que débarque ce braque de bestiau pour que survienne en l’Etat-flic haï la chienlit fatale !
Qu’il radine, Poulbot à l’air niais et qu’il boulotte peinard des troupeaux de brebis, n’en laissant que des bribes, ça fâche le bouseux du coin et ça rend, tout ça, Léon Baduchef soucieux (Léon est le responsable de la FNSEA locale). Il s’en va demander de l’aide au château.
Mais le roi est nu, l’ ONU stérile (on ne l’a pas encore inventée) et la lune sortie des nuages n’éclaire pas Atlas : un seigneur désolé se lamente à sa place. Tous ont fui, le chanteur de rue est loin et le protecteur de la veuve et de l’orphelin encore plus. Ô seigneur seringué ! Ton armée n'en fout pas une ramée ! Tu es le tsar d'une armée de rats ! Plus ils quittent le navire et plus ton avenir, lui, court vers la ravine !
Ta valetaille s'est bien gardée de lui tenir la dragée haute à ce dragon frais comme un gardon !
Ton équipe pas piquée des hannetons fait de la peine à voir. C'est plus qu'une épine dans le pied, c'est le catalogue de La Redoute des rois de la déroute réfugiés au café d'en face !
Ta police picole ! Mon pigeon, il faut faire preuve de poigne ! Car bientôt le dragon réclame une princesse accorte ! Pour calmer ce gros enraciné, danse celte, valse viennoise et tango corse ne suffisent plus.
Justement la princesse est finaude.
- Tu finis la désespérance !, ordonne-t-elle à son paternel et à son dernier ministre. Il n'est rien de pire que d'avoir péri sans combattre ! Barattons, mecs ! Ca ne sert à rien de se faire tout un monde de ce démon. Plutôt qu'une armée faible, mieux vaut utiliser un mec fiable. J'en connais un. Il est fort comme Jean-Paul Belmondo et il a une jambe d'Apollon sans être pour autant unijambiste comme Rimbaud.
- Ah ma fille ! Tu es le fleuron de ma famille ! Mais s'il réussit... il faudra bien offrir une récompense à ce romain ? Un manoir ? Notre trône ? Des voyages au pays où poussent des goyaves ?
- Aucune sale tuile de ce genre ! poursuit la tailleuse de bavette. Le gars préfère l'utile au futile. Il veut seulement répandre sa religion, en fait.
- Et nous du coup nous pérégrinerions en Lada ? Une religion, est-ce une secte qui réussira ? Un évangéliste ! C'est que voilà d'inélégantes U.V. ! Le paganisme a du bon pourtant et cela promet un bal à empoignades théologiques fort passionnant ! Mais bon nous ne sommes plus à cela près. Soit, j'accepte. Fais appel à ce gus pour qu'il nous alpaguasse ce Pif.
- C'est un dragon, Papa, pas un chien qui nous cherche niche ! Et le subjonctif passé c'est « alpaguât », comme tes costumes !
- Comment s’appelle-t-il, ton bonhomme?
- Le chevalier Saint-Georges ! De loin on dirait juste un mec qui a bouffé du lion mais attention à la tentation de ne pas voir en lui un sanguinaire ! Voilà qui va chavirer les généalogistes et les oligarches végétariens qui songeraient à l’enrôler : dans la famille du chevalier Saint-Georges, pas de ségrégations ! On bouffe du dragon cuit à tous ses repas depuis plusieurs générations.
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Consulte le tarot de marseille. Une lame te dira le sort qui t’est réservé. La dispute est toujours stupide mais bon. Ainsi fut engagé le mercenaire.
Alors maintenant le récit du combat du preux, qu’en penser ? Du capron ? Du cirque blême et piteux, plutôt ! Vous en voulez encore, des extraits du dialogue incendiaire entre le légionnaire caïd de Dieu et le cracheur de feu à écailles ? En voici :
- Carne rance, enfonce-toi ça dans le crâne ! La cause qui consiste à combattre tout ennemi de ma foi je la fais mienne !
- Barre-toi de mon arbre !
- Balise, peu à l'aise Blaise ! Derrière le croisé tout hérétique devient scorie !
- Râle donc au fisc, Claude François !
- L’idée de Dieu m’illumine grave ! La lumière divine me guide, led précurseur dans tes ténèbres !
- Ton amulette est ravinée, l’jedi ! Je vais éteindre ton allumette !
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Saint-Georges, une fois de plus nain triomphateur, sans peur ni angoisses, défit le gnou.
Dans le sang du dragon la tige d’une rose y a trouvé son gîte.
Et moi je suis reparti vers d’autres écritures. Car il n’y a jamais de repos pour ma prose ! Ecrivain forcené, je crèverai confiné une fois atteint 99 ! En 2099 !