29 novembre 2020

LA MARTIENNE

Appia 09 B

Elle était là, toute simple, très grande, droite, vêtue de probité candide et de lin blanc mais pas naïve pour autant. C’était une guerrière particulièrement flamboyante.

Elle était là, toute simple, mais pourtant double, avec une lectrice portée sur le bout de sa traîne et sur la petite philosophie du matin, le goût de la famille, l’échange avec des livres-mondes qui la soutenaient dans sa marche.

Surtout aux il y avait la mer à notre porte et tout ce monde à parcourir, ces rencontres de hasard, ces villes à découvrir, ces liens qui se tissent et qu’elle entretenait d’une égale bonté.

Il y avait tant d’amour dans ses fondamentaux, tant d’humanité en filigrane que du moindre inconnu tombait la vigilance : chacun ne songeait plus qu’à l’avoir pour ange gardien.

Moi dans ce tableau-là j’étais, sur la gauche, détail, la cafetière ancienne, le café du matin. Le petit grain de charbon noir toujours apte aux billevesées, la cérémonie quotidienne qui donne force au démarrage ou qu’on trouve à midi propice aux confidences.

Quand elle me portait à ses lèvres je buvais du petit lait. Le fait que je m’étais, au fil du temps, transformé en ce vieux fourneau qui la réchauffait ne changea jamais rien à notre relation. Toujours elle semait des quantités d’étoiles à la suite desquelles je rêvais.

Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean 2021-09

du mardi 24 novembre 2020 d'après cette consigne :

Inspiration libre d'après un tableau de Dominique Appia.


Vivaldi chez Naïve

2020 11 29 Isaure naïve 63

Je vis dans un monde auquel je ne comprends absolument rien. Mais c'est sans gravité, docteur, je jouis bien quand même puisque tout est devenu gratuit ! Y compris nos actes !

Quoi ? Hein ? Comment ? Vous voulez un exemple ?

Ben prenons Vivaldi, tiens ! Voilà un bonhomme qui a composé plus de quatre cent concertos (ou concerti) pour des instruments divers accompagnés par un orchestre à cordes. Igor Stravinsky qui n'était pas gentil à dit un jour que c'était quatre cent fois le même concerto !

Tout au long de mon existence je n'ai pas cessé d'acheter des disques de ce compositeur. J'ai compté dans mes collections : dix-sept disques vinyles, douze coffrets de plusieurs disques dont l'intégrale d'I Musici en dix-huit galettes et un maximum de disques Erato avec des interprétations par I Solisti veneti sous la direction de Claudio Scimone, trente cassettes et quatorze CDs ! Je connais mon Jean-Pierre Rampal et mon Pierre Pierlot sur le bout des doigts !

Vous imaginez le "pognon de dingue" que j'ai mis là-dedans ? Eh bien figurez-vous qu'il en sort encore, des concertos de Vivaldi ! Il y a des fous sur cette planète qui se sont mis en tête d'enregistrer l'intégrale des manuscrits retrouvés à la bibliothèque de Turin ! C'est chez Naïve et il y a 65 volumes déjà parus !

Et pour s'y retrouver, bonjour ! Adieu la nomenclature de Marc Pincherle - Ah les joies du Pincherle 16 ! -, on est passés à RV, le catalogue  Ryom !

De toute façon pas la peine de chercher des correspondances entre mes disques et ceux-là. Sur le dernier que j'ai ouï, je ne connais pas un seul des concerti !

Alors, si je m'écoutais, je les achèterais bien, les 65 volumes de chez Naïve, d'autant que les couvertures sont super-jolies, même si les dames dessus ont l'air assez "frigo" voire effrayantes.

Comment, docteur ? Les magasins viennent de rouvrir ?

Hé ! Ho ! Ca va pas, doc ? Faudrait voir à consulter ! C'est gratuit sur Deezer, maintenant ! C'est justement ça, ce que je ne comprends pas dans ce monde : si le travail n'a plus aucune valeur, pourquoi est-ce que j'y suis allé et pourquoi est-ce que je continue à bosser ?

Posté par Joe Krapov à 12:20 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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