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Mots et images de Joe Krapov
7 octobre 2020

LE JOURNAL DE NAZIM LE FOU

Derrière le moucharabieh je regarde sans être vu :

- celle qui boit son caoua sans y mettre de sucre ;
- celle qui rêve d’une cange pour aller aux sources du Nil ;
- celle qui met dans son cabas des aubergines ;
- celle dont la jupe est trop courte ;
- celle dont la nuque est envoûtante ;
- celle qui connaît l’arithmétique et sait la fièvre de l’algèbre ;
- celle qui croit que la Terre est bleue comme une orange.

Derrière le moucharabieh je regarde sans être vu
Et de toutes ces belles je me fais un harem
Pour toutes les nuits sans lune où je dormirai seul.

moucharabieh-iv

***

C’est l’Hiver qui arrive pour geler nos glaouis,
Pour semer la jachère.

Peau de zob au jardin !
Pénurie d’épinards !
Macache d’estragon !

Sans tambour ni trompette
Il nique le safran,
Fait pourrir les pastèques
Et, gabelou furieux,
Jette sur tout cela la neige artificielle
Des nuits de satin blanc
Dont je maudis le bues
Pour que les caïds de Dubaï
Se voient en nababs du climat
Qui ont décroché la timbale.

***

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Calfeutré dans mon souk
Je chante sur mon luth
Mes sourates de fanfaron.

Je sors de ma guitare
Le navire amiral de mes chansons maboules.

Je suis Nazim le fou au coffret de santal,
Aux notes de jasmin,
L’assassin du sultan
Qui préfère au calibre P 38
Le goudron du barouf
Et la plume d’albatros
A la sauce Baudelaire
Pour moquer ces vizirs mesquins.

***

1098-moucharabieh1

J’ai assez d’alcool dans mon alambic
Pour provoquer des algarades
A la limite de l’abracadabrantesque.

J’ai assez de café dans mon grand mazagran
Pour Balzacer des nuits entières
Un almanach de gilet jaune.

J’ai assez de haschich dans ma jarre
Pour fumer des naseaux
En alezan superbe
Et tendre mes madragues
Sur l’échine des bardots.

Mais je n’ai pas l’âme d’un cador
Et n’infligerais pas aux raïs d’un quintal
L’échec et mat funeste.
Tant pis pour eux s’ils ont roqué côté cimetière !

Ces fakirs ne valent pas un clou !
Ces momies qu’un toubib conserve dans le talc
Ne sont que moussaka moisie
Abricots secs, brêles, zéro, camelote.

Moi
Sur une feuille de nénuphar géant
Je chevauche le sirocco.

Par le truchement du rêve et de la poésie
Je remplis le zénith de mes « Wali-walou ».

Je plante un baobab au sommet chamarré
D’un Everest divin.

Je peins en zinzolin
La nouba des girafes
Et fais pleuvoir la limonade et l’orangeade
Sur les ayatollah traîne-savates.

J’envoie par sarbacane
Une mousson de loukoums
Engluer les émirs
Et, en baroud d’honneur digne d’une Odyssée,
Je fais razzia totale sur l’arsenal de toutes bougies
Pour qu’on ne puisse plus connaître
L’âge du capitaine
Quand je mange le moka
Sans en laisser bésef.

C’est vrai je suis comme ça, moi, lorsque j’ai forcé
Sur l’alchimie des mots et mon péché mignon,
L’eau de fleur d’oranger.

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Calligraphie de Lassaad Métoui

***

Ai-je bien raconté ma vie de patachon ?
Ai-je bien massicoté au cimeterre d’argent
Votre cafard de confiné·e·s ?

Voyez-vous bien l’azur par le moucharabieh ?
Ne l’oubliez jamais :
Le ciel vous appartient !


Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 6 octobre 2020

à partir de la consigne ci-dessous

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Commentaires
J
Le soleil noir de la mélancolie... n'a effectivement pas sa place ici ! ;-)
Répondre
A
Toi tu n'es pas le ténébreux solitaire, même si ton luth est constellé :-)
Répondre
Mots et images de Joe Krapov
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