QUOTIDIEN ETERNEL (cours d’angélologie n° 1)
Le jour où nous irons dans le grenier des anges
Nous trouverons peut-être, au fond d’un coffre lourd,
L’ultime symphonie de Beethoven le sourd
Et du divin Messiaen « avec chœur de mésanges ».
La toile qui voisine est un Van Gogh récent.
Les orangers, le long de l’allée bleu ardoise
Tracent un chemin d’ombre où flambent, sous la toise,
Des framboises superbes. Un peu plus loin, Vincent
Trempe dans l’encrier la plume d’oie ancienne.
La lettre est adressée à Jean-Arthur Rimbaud.
Il lui dit l’hérésie de la plaine de Baud
Et lui chante le crépuscule incandescent de Sienne
Avec passion. Il y aura, dans le grenier ;
De vieux costumes d’opéra grandeur nature.
L’oiseleur autrichien rêvera d’aventure,
De princesse facile et de main au panier.
Le jour où nous irons dans le grenier des anges
Nous ne connaîtrons rien, rien de sa vie privée,
Rien de la maison bleue où la belle arrivée
La veille chante à l’aube une romance étrange
Sa chanson parle de Venise et de Florence,
Du parfum de ces lieux et des couleurs du temps
Et de la danse des lutins, du vieux printemps
Qui vit naître Vénus avec indifférence.
Nous trouverons, sous la poussière extravagante,
Mille trésors insoupçonnés, venus sans doute
De l’hémisphère Sud, abrités dans la soute
D’un navire ancestral à la coque élégante
Et lorsque sonnera la cloche de midi,
Nous quitterons heureux les combles du château.
Nous reprendrons nos ailes au vieux porte-manteau
Et nous irons manger au R.U.* du paradis.
* Pourquoi ne pas imaginer en effet le paradis comme une université idéale au sein de laquelle on aurait tout loisir, l’éternité aidant, de s’intéresser enfin et uniquement à ce qu’il y a de meilleur dans les actes de l’homme ? La seule incongruité potentielle de ce dernier vers ne réside pas dans l’existence d’un Restaurant Universitaire dans un tel paradis mais dans le fait que les anges, qui n’auraient pas de sexe, paraît-il, y auraient un estomac ! Tout cela demande à être vérifié sur place, mais personnellement je ne suis pas pressé d’y aller voir.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 27 avril 2004 d'après la consigne ci-dessous