Paris 1937 "En revenant de l'expo" (4)
Conteurs et conteuses à L'Ubuntu café à Rennes le 9 février 2019 (1)
Moi j'ai toujours aimé qu'on me raconte des histoires ! Alors si en plus c'est avec le sourire...
... ou avec une expressivité photogénique hors pair...
...je ne regrette jamais d'accompagner Marina B. à des soirées contes...
... surtout si Maître Jacques y envoie balader des ânes dans la Lune en juillet 1969 !
Conteurs et conteuses à L'Ubuntu café à Rennes le 9 février 2019 (4)
Et du Dino Buzzati pour terminer avec Odile en grande forme.
Voilà de quoi me faire oublier mon incursion déplacée au lycée Descartes de la veille :
une vieille impression de flop total là-bas avec la conférence des Inventeurs farceurs !
Aux enseignant de jouer maintenant avec la matière qu'on leur a laissée !
OÙ EST LA NOBLESSE ? OÙ EST LA ROTURE ?
Le docteur de Morgnies ouvre la porte de la salle d’attente avec brutalité.
Comme on est le 16 septembre 1880, il ne peut pas gueuler, faisant référence à Jacques Brel, tel un sous-off dans un bordel de campagne : « Au suivant !» mais on entend presque ces mots dans la vivacité de son geste. Il a la moustache en bataille, la corpulence d’un escrimeur et la carapace de l’homme prêt à tout voir et tout entendre de la vie sans moufter plus que ça. Une espèce d’aristocrate, le médecin, chez qui tout le monde peut entrer et déballer des horreurs, qu’il soit noble ou roturier.
Aujourd’hui, en ce début d’après-midi, ils sont deux, bien amochés, à faire passer en urgence. Les patients ne sont plus impatients quand quelqu’un poireaute parmi eux avec un œil sanguinolent. Le premier arbore donc deux magnifiques cocards dont l’un bien saignant et l’autre bonhomme a le bras en écharpe, enveloppé dans ce qui ressemble à une serviette de restaurant. L’aveugle et le paralytique mais dans la version bons bourgeois de Paris bien aisés. Cela le docteur de Morgnies l’a déduit de ce que les deux gars ont l’élégance parisienne des dandys et de ce que la serviette est marquée Bignon. Bignon ! Pour un type qui a deux cocards, c’est cocasse !
- Qu’est-ce qui vous amène, Messieurs ? Par lequel de vous deux je commence ?
- Monsieur, permettez d’abord que je me présente. Je suis Aurélien Scholl, journaliste à «L’Evénement». Nous étions en train de déjeuner tout à l’heure chez Bignon et nous allions sortir quand un jeune gommeux excité s’est mis en travers de mon chemin.
- Il a demandé à mon ami s’il était bien Aurélien Scholl.
- « C’est bien moi, monsieur » ai-je répondu. En quoi puis-je vous être utile ?
- « En rien, espèce de petit roturier ordurier ! Prends ça de la part du comte de Dion !» a-t-il dit et il a balancé à Aurélien une gifle et deux pêches dans la poire.
- Sans même se soucier de ce que je portais un monocle de chez Tati ! J’eusse pu perdre un œil dans l’histoire. Et c’est pour cela que je viens consulter l’homme de l’art que vous êtes. Y aura-t-il des séquelles à cette violence ? Le saignement s’est arrêté mais pour l’instant, je vous l’avoue, je vois tout flou comme si je m’étais fait flasher à l’issue d’un bal. C’est au point que j’ai eu besoin du soutien de mon ami Turgan pour venir jusqu’à vous.
- Et puis il y a aussi cette histoire de carafe. Tu es quand même tombé dans les pommes quand il te l’a lancée et que tu l’as reçue en pleine poitrine.
- Certes, mais je l’avais traité de manant, de charretier et de crocheteur.
- Tu étais quand même en droit de le faire après t’être ainsi faitboxer, non ?
- Laissez-moi examiner cela, dit le docteur. Mouais. Pas fameux, fameux, les yeux, surtout le droit. Déshabillez-vous que je voie le torse.
- Attends, Aurèle, je vais t’aider.
- Non, laissez, dit le docteur, je vais m’y coller. Avec votre bras en écharpe ce ne serait pas pratique.
Le docteur examine le thorax où il y a un énorme hématome. Il tâte les côtes du journaliste et demande, intrigué :
- Dites voir ? C’est normal que vous ayez toutes les côtes fendues ?
- C’est que j’aime beaucoup rire et me moquer, Docteur ! Mais je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal à qui que ce soit. Ca reste toujours de bon aloi.
- Je sais, je sais. Bon rhabillez-vous. A part l’honneur du comte de Dion, il n’y a rien de cassé.
- Mais je ne lui ai rien fait à ce garçon ! Je ne le connaissais même pas avant cette séance de pugilat!
- Vous avez sûrement dû écrire quelque chose le concernant. Mais ce n’est pas mon affaire. Je vais vous prescrire une ITT
- Qu’est-ce que c’est ? Ca fait mal ?
- C’est juste une interruption temporaire de travail. Vous n’allez récupérer la vue que dans dix-neuf jours et il vous faudra attendre encore onze jours avant que vous ne puissiez retourner au théâtre et rédiger vos comptes-rendus ironiques.
- Vous me connaissez donc, Docteur ?
- Oui je m’intéresse un peu à ce que vous écrivez.
- Et pour les yeux vous me donnez quoi ?
- Deux escalopes le matin et deux escalopes le soir, à apposer sur les orbites.
- Mais ça va me coûter horriblement cher ce régime carné ! Vous n’avez pas de médicaments, plutôt ?
- Je suis contre les prescriptions de produits chimiques ! Je fais de l’homéopathie. Contre la boucherie, j’utilise la boucherie. Si vous avez des problèmes financiers, attaquez le comte en justice et comptabilisez votre facture de bidoche dans les dommages et intérêts que vous lui réclamerez. A vous maintenant monsieur Turgan. Déballez voir un peu ce que vous avez dans votre serviette.
- Oh moi c’est juste une estafilade !
- Avec quoi vous êtes-vous fait cela ?
- Mon ami Aurélien a voulu se défendre contre le comte. Il a sorti son stylet.
- Un stylet ? Les journalistes écrivent avec un stylet maintenant ? C’est fini le stylo ?
- Je devais partir ce soir pour Bruxelles, précise Aurélien Scholl. Bien que la Belgique soit un pays d’honnêtes gens j’avais emporté à tout hasard mon parapluie de voyageur dont le manche renferme un stylet.
- Vous avez raison, il y a là-bas de vilains bonshommes qui tirent à vue sur les littérateurs français !
- Et comme il n’y voyait plus rien, c’est moi qu’il a blessé.
- Ce que je ne vois vraiment pas c’est pourquoi le comte s’en est pris à moi.
- Cherchez la femme, Monsieur Scholl ! Quel livre avez-vous publié récemment ?
- « Fleurs d’adultère ». Pourquoi ?
- Cherchez de ce côté-là. Je suis sûr que l’explication est là. Voici vos ordonnances, Messieurs. Lequel de vous deux règle l’addition ?
- C’est moi !
- Non c’est moi !
- Je vous en prie, je vous suis redevable de…
***
Après avoir raccompagné les deux hommes jusqu’à la porte et avant de faire entrer le client suivant le docteur de Morgnies jette un œil au portrait d’Isaure Chassériau qui trône dans son vestibule.
- Eh bien dis-donc, Isaure ! Le journaliste-bashing commence de bonne heure, cette année !
Ecrit pour le Défi du samedi n° 545 à partir de cette consigne : roture.
ACROSTICHES CONSTELLATIONISTES
B ang ! A la porte du château
É nervé, suant comme un bœuf
L’ ennemi s’élance avec fougue et poutre !
I l a longue paille dans l’œil
E t s’étale de tout son long !
R igolos ! La porte est ouverte !
C rabes de plage abandonnée,
A ux coquillages et crustacés
N os chansons apportent sourire.
C ette atmosphère de vacances
E t ces récréations enjouées
R ejouent le charme de l’enfance
S ous couvert de quelques rochers
G are à toi, la lune d’Afrique !
I l s’en faut de peu que, tendant le cou,
R ognant tes quartiers de noblesse ancienne
A manda la girafe ne te croque pour de bon !
F euillage de rêve que la voie lactée
E t toutes les étoiles… petits vers luisants !
P avane de macho, turgescence de plumes
A ux enfants ébahis le paon montre sa queue
O n applaudit sa gymnastique et ses marbrures.
N ul ne songe à lui reprocher le fameux « coup de la
paonne » qu’il pratique trop souvent !
V ers d’autres horizons, vers des pays lointains
O utremer, Emeraude… Flottez, bijoux de toile !
I l n’y a plus beaucoup d’îles à découvrir
L e plaisir vient alors de la navigation
E t vous tirez le bateau blanc dehors du monde…
S i les vents le permettent, si le temps le veut bien.
H eures, minutes et secondes, au gai cadran,
O béissant logiquement, marquent le temps.
R ien n’arrête plus les aiguilles sinon le poids
L orsqu’il se rend au bas de sa chaîne dorée.
O n entend le tic-tac et le balancier d’or
G arde peut-être, à son verso, le plan d’un vieux trésor
E t celui du jardin où Hercule est venu taquiner l’Hespéride.
L a Flèche ! Imprimerie de Brodard et Taupin !
A ffranchis du récit, les comédiens s’ébrouent !
F ête, début juillet d’une jeunesse folle !
L e Prytanée peut bien rappeler les armées
E t la place Henri IV hagiographer l’histoire
C’ est au cirque, au théâtre, au chant que l’on revient !
H âtez-vous, les beaux jours de revenir en masse
E t nous irons camper sur les rives du loir !
C hangeante
A pparence !
M imétisme
É légantissime !
L ui s’
É vapore
O stensiblement
N ébuleux !
M on
O bsession :
U ne
C hiure
H orriblement
E mbarrassante !
C’ est un cheval à torse d’homme
E t, s’il a un arc, sagittaire.
N ous le trouvons
C hez les dieux grecs,
T antôt terrifiant, tantôt drôle :
A quatre pattes sous la table
U n jour qu’il y avait galette à partager !
R enâclant à passer l’obstacle
E t à dormir dans l’écurie !
L e barde la taquine et bientôt c’est la rixe !
Y a-t-il plus déprimant qu’Assurancetourix
R âclant le violon ou lui pinçant les cordes ?
E t bientôt tout le monde en la brisant s’accorde.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 6 février 2019
à partir de la consigne ci-dessous
CONSIGNE D''ÉCRITURE 1819-18 DU 5 février 2019 A L'ATELIER DE VILLEJEAN A RENNES
Acrostiches de constellations
Voici la liste des 88 constellations
L’Aigle - Andromède - L’Autel - La Balance - La Baleine - Le Bélier - La Boussole - Le Bouvier - Le Burin - Le Caméléon - Le Cancer - Le Capricorne - La Carène - Cassiopée - Le Centaure - Céphée - La Chevelure de Bérénice - Les Chiens de chasse - Le Cocher - La Colombe - Le Compas - Le Corbeau - La Coupe - La Couronne australe - La Couronne boréale - La Croix du Sud - Le Cygne - Le Dauphin - La Dorade - Le Dragon - L’Écu de Sobieski - L’Éridan - La Flèche - Le Fourneau - Les Gémeaux - La Girafe - Le Grand Chien - La Grande Ourse - La Grue - Hercule - L’Horloge - L’Hydre - L’Hydre mâle - L’Indien - Le Lézard - La Licorne - Le Lièvre - Le Lion - Le Loup - Le Lynx - La Lyre - La Machine pneumatique - Le Microscope - La Mouche - L’Octant - L’Oiseau de paradis - Ophiuchus - Orion - Le Paon - Pégase - Le Peintre - Persée - Le Petit Cheval - Le Petit Chien - Le Petit Lion - Le Petit Renard - La Petite Ourse - Le Phénix - Le Poisson austral - Le Poisson volant - Les Poissons - La Poupe - La Règle - Le Réticule - Le Sagittaire - Le Scorpion - Le Sculpteur - Le Serpent - Le Sextant - La Table - Le Taureau - Le Télescope - Le Toucan - Le Triangle - Le Triangle austral - Le Verseau - La Vierge - Les Voiles
1) Soit vous écrivez des petits poèmes en forme d’acrostiches à partir des termes de la liste qui vous inspirent
2) Soit vous écrivez un texte qui ne parle pas du ciel ni de l’espace et dans lequel vous incluez une dizaine au moins de ces noms !
MILLÉSIME CINQUANTE-QUATRE !
Ah ! Mille-huit-cent-cinquante-quatre ! Une année fabuleuse pour les Bordeaux rouges et les poètes des Ardennes !
Voilà qu'un autre enfant est né chez le capitaine Rimbaud. C’est, de nouveau, un garçon et il sera à son image, ne tenant jamais bien en place, allant toujours de l'avant, rêvant sans cesse d'évasion.
Une étrange sorcière s'est penchée sur son berceau.
- A l'âge de dix-sept ans, a-t-elle prédit, tu cesseras d’être sérieux. Tu monteras à Paris et tu seras la reine du bal dans ce carnaval noir de mille-huit-cent-soixante et onze mais ça ne te plaira pas vraiment ! La vraie vie est ailleurs. Toujours tu courras après l’or du diable. Le génie ou le mal, il n’y a rien d’autre sur Terre. Tu es promis à la gloire mais il y a une ombre au tableau. Tu dois te méfier des balles perdues ! Après cela, voyage, va au loin ! Tu as un monde à portée de main. Dans les angles morts de ta destinée je vois juste qu’un jour il faudra trancher ! »
L’enfant se prénomme Jean-Nicolas-Arthur. Il a grandi. Il a étudié, il a écrit, il a appris des langues, il a fait la somme de nos folies, de nos illuminations, il a passé une saison en Enfer.
Lui et son copain, le pauvre Lélian se sont comporté comme des sales gosses ! Même que Verlaine lui a tiré dessus un jour à Bruxelles. Mais mourir n’est pas de mise. Semblable à un funambule, le poète s'est fait aventurier et il a disparu au loin dans un halo de cirque mort.
***
Il paraît que lui est toujours vivant ! Au cimetière de Charleville-Mézières il y a une boîte aux lettres à son nom ! On peut lui adresser des lettres !
J’en connais qui ne se privent pas d'écrire à Rimbaud pour faire rire leurs copines !
Je vous raconterais bien aussi cette histoire-là mais je n’ai droit qu’à une page !
Pondu à l'atelier d'écriture de Villejean le 16 octobre 2018
à partir de la consigne du concours "Encres d'automne" ci-dessous.