ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (1)
Polisseur de lentilles,
Gendarmeur de haricots,
Dresseur de carottes,
Tuteur de salades,
Bourreau des cœurs de céleri-rave,
Echec et mateur de betteraves,
Correcteur d’artichauts,
Tortionnaire de bonzaïs,
Tu n’obtiendras jamais
Les aveux des iris,
La force de l’épinard
(Spinach en Angleterre)
Que Spinoza cultive
Dans son jardin secret
Avec les fleurs du rêve,
Les bijoux du secret,
Les colliers d’hypothèse,
Les bagues de silence
Et les perles d’illusion.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019
d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (2)
« RÉPUBLIQUE FRANÇAISE »
On avait apposé ces deux mots incongrus
A l’entrée d’une case qui servait de mairie,
A l’entrée d’un enclos construit artistiquement
Autour d’un baobab.
Nul n’y palabrait plus
Et l’instituteur blanc
Apprenait aux enfants à peu noire
Qu’ils avaient des ancêtres
Gaulois et réfractaires.
Il avait grandi là,
Mamadou Banania
Et rêvé de la France
Et voulu voir la neige
Il y était allé,
Sortant du Sénégal
Pour voir en tirailleur
Les obus de Verdun
Et la boue des tranchées.
Il aurait bien voulu
Mourir et devenir
Le soldat inconnu
Sous son arc de triomphe
Il avait survécu
Et trouvé du boulot
Dans la publicité
Buvant leur chocolat
Quelques années plus tard
Les petites filles de France
Admiraient sa bobine
Et rêvaient, malicieuses
Et frondeuses
- Ou vicieuses
Comme on disait alors
Chez les vieux Pétainistes – :
« Quel Africain superbe ! »
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (3)
Une brève de comptoir
Comporte de l’outrance, mais pas trop :
- Vous êtes deux à vouloir jouer au bridge ? Passez une annonce pour trouver un troisième ! Pour le mort je me fais fort de vous en dégoter un : y’en a plein au cimetière de l’Est !
Une brève de comptoir
Doit être graveleuse, mais pas trop :
- Ne passez pas une petite annonce pour monter un club de strip-poker ! Il n’y aura que des mecs pour répondre présent et ça c’est décevant !
Une brève de comptoir
Doit frôler la bêtise, mais pas trop :
- Vous allez chanter avec nous le refrain qui dit « Oh la la la ! C’est magnifique ! ». Et nous avons décidé ce matin de chanter cette chanson de Luis Mariano en roulant les « r » ! On va faire un essai : chantez donc « Oh la la la ! C’est magnifique ! » en roulant les « r » pour voir ?
Le Saint-Chinian aidant les langues se dénouent et des projets se montent : « Aller chanter à la maison du Ronceray » ; « Aller passer une journée à l’île Bailleron dans le golfe du Morbihan » « Participer à la Ballade avec Brassens de Saint-Quai Portrieux en septembre ».
Une brève de comptoir
Comporte bien du rêve !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (4)
Salon de Madame Verdurin, salon de Madame Guyet-Desfontaines, maman d’Isaure Chassériau, ou salon du duc de Chaulnes à Paris.
Il est tout à fait possible qu’en ces lieux très feutrés, un jeune comte un peu fou, fringant, plein d’avenir, soit tombé amoureux d’une jolie princesse russe qu’on a épousée pauvre à seize ans et demie et qu’on a enfermée dans un rôle de mère en un château sarthois où elle subit la coupe d’une duchesse austère, la mère de son mari, proche de religieux de l’abbaye voisine et papesse en puissance.
Il se peut que la jeune femme, native du signe du scorpion, ne soit pas restée insensible à l’entregent de ce jeune homme. J’entends d’ici monsieur Aurélien Scholl, journaliste railleur jouer avec les mots et parler d’entrejambe plutôt que d’entregent.
Il se peut que plus tard le jeune comte de D. lui casse un peu la gueule pour s’être ainsi moqué et, quatre années plus tard, pour cause de récidive, le reblesse en duel.
Nous n’en sommes pas là dans ce joli salon. Et pas rendus non plus dans la ville de Florence où l’officier italien offrira à la jeune princesse un poème recopié qui servira de preuve à ce que n’imaginent pas les parvenus de province : aucune loi d’interdit de draguer au salon, de proposer la botte, de soûl sôul soupirer sous le balcon con con comme Roméo ou comme Christian dans Cyrano, bref de marivauder dans le monde !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (5)
La vraie vie est ailleurs.
« La ville où je suis né est idiote entre toutes les villes » dit Rimbaud. Il s’en va vers Paris. C’est encore la guerre et bientôt la Commune.
La vieillesse est un naufrage : la main à plume du jeune homme qui vaut bien la main à charrue a déjà écrit les plus beaux poèmes de la langue française et elle trouve la vigne austère sans la feuille. « Devenons vite le roi des poètes ou faisons autre chose ! »
La vraie vie est ailleurs mais la terre est une charogne cosmique et la religion qui ne console de rien n’est que cet os sacré que ronge l’être humain.
La vraie vie est ailleurs. Rimbaud marche. Sa vieillesse sera un naufrage. Sa jambe deviendra « La charogne cosmique » et très comiquement sera mise en musique un bon siècle plus tard ! Merci Hubert-Félix !
Pour l’heure voici Rimbaud devant un corps gisant. C’est celui d’un soldat dans un trou de verdure. Rimbaud, médecin-légiste d’un quart d’heure, note qu’il a deux trous rouges au côté droit.
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.
Ô saisons ! Ô Châteaux !
Quelle âme est sans défauts ?
Désolés, les enfants ! La vague sans fin modifiée emmène nos jeux de sable !
Rimbaud reprend sa marche. La voix de l’Inconnu et celles des Inconnus lui disent : « C’est ton des-tin ! ». Une voix chante : « Chacun sa route, chacun son chemin ». La rivière suit la vallée.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (6)
L’allégorie de la caverne, Platon, on nous en a fait tout un plat mais ça n’est jamais que la description d’une salle de cinéma ! On le sait bien que la salle est obscure, que c’est le projecteur qui est dans notre dos. Mais pourquoi est-ce qu’on irait chatouiller le mammouth quand on a payé sa place pour une heure trente de bonheur, sans compter la demi-heure de publicités et les pop-corns ?
Taquiner le brontosaure, faire des rentes aux actionnaires, les prolétaires sont là pour ça non ? Ils ont accepté contre un maigre salaire, certes, les risques du métier de chasseur-coupeur de biftecks. Pendant ce temps nous nous emplissons de rêve et contemplons King-Kong qui s’élève dans les hauteurs. Ce que nous voyons là, c’est l’art dans sa plénitude et le réel vacant le long de la paroi.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
CONSIGNE D'ECRITURE 1819-17 DU 29 JANVIER 2018 A L'ATELIER DE VILLEJEAN A RENNES
Pensées entre deux anagrammes
Dans le livre « Anagrammes pour lire dans les pensées », Jacques Perry-Salkow a relevé des phrases philosophiques dont les lettres mélangées peuvent reformer d’autres mots et donc d’autres phrases.
Il a demandé à Raphaël Enthoven d’écrire un texte qui mène d’une formule à son anagramme. A titre d’exemple ce texte nous explique pourquoi « Critique de la raison pure » devient « paradis onirique et cruel » ou divague plus ou moins logiquement entre les deux formules.
Il est demandé d’écrire plusieurs textes d’une quinzaine de lignes pour aller d’une anagramme à l’autre. Tous les styles sont admis.
Voici quelques unes des anagrammes proposées dans lesquelles chacun(e) pouvait choisir :
Empruntons la route et rions | Et la mort n’est rien pour nous |
Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre | L’écriture signe le questionnement |
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve | la vague sans fin modifiée emmène nos jeux de sable |
Le travail, la famille, la patrie | La villa, le mari parfait, la télé |
Mouvement des Femen | Vénus, femme et démon |
La crise de l’autorité | Le droit à la sécurité |
Liberté égalité fraternité | ébriété, flirt et galanterie |
Intouchable | chant oublié |
De la démocratie | art de la comédie |
Monseigneur Bossuet, l’aigle de Meaux | Diable ! les goûteux sermons ! Une magie ! |
Et si le ciel était vide ? | Ta vie, elle est dite ici ! |
Monsieur Tout le monde | Tu es le mouton endormi |
La révolution d’octobre | robinet d’alcool ouvert |
La fonction crée l’organe | Le forgeron connaît cela |
L’ancien régime et la révolution | Le roi guillotiné creva net. Amen |
La propriété, source de l’égalité | origine de la prospérité actuelle |
Dieu est mort | Remis de tout |
Le journal d’un séducteur | jeu cruel d’un sale tordu |
La beauté est dans l’œil de celui qui regarde | et Dieu créa la laideur dans le geste oblique |
Le misanthrope | l’atmosphérien |
On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux | Saint-Exupéry veut, noble visée, que l’être conçoive bien les illusions |
On se suicide toujours trop tard | Discutera-t-on toujours d’espoir ? |
Le paradis terrestre | plâtre de terrassier |
La vieillesse est un naufrage | vigne austère sans la feuille |
Le rêve américain | La vie mercenaire |
Qu’est-ce que le moi | c’est quelque émoi |
L’inconscient est un lac obscur | blanc inconnu sous clé stricte |
Entre la solitude et la vulgarité | une voile leste, l’attrait du large |
La grande muraille de Chine | Le daim regarde la chenille |
La vraie vie est ailleurs | La rivière suit sa vallée |
Le nombril du monde | l’immonde rond bleu |
La morale a toujours le dernier mot | Alors l’amour rend Juliette à Roméo |
La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix | Le gueux radine, l’étendard palpite, le ciel bouge |
Perdre sa vie à la gagner | aspire à la grande grève |
La révolution industrielle | nourrit la solitude en ville |
Question sans réponse | enquêtons sans espoir |
La fin du monde est pour demain | arôme fou d’un matin splendide |
De l’entremangerie universelle | Nulle règle. Rester en vie demain |
Cueille le jour sans te soucier du lendemain | au seuil du jardin : une école, cent mille roses… |
Penser contre soi-même | comme serpenter en soi |
Autres temps, autres mœurs | Tout passe et sera murmures |
Salon de Madame Verdurin | Marivauder dans le monde |
Le baiser du soir | libido rassurée |
Le sens de la vie | L’éveil des ânes |
L’épreuve de philo du bac | l’approche bleue du vide |
L’amour un instant de bave | un diamant bouleversant |