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Mots et images de Joe Krapov
18 janvier 2019

GILLES ET JOHN, ACTE IV, SCÈNE 1

AEV 1819-15 Cabane

La scène se passe dans une cabane au bord d’un rond-point en décembre 2018. Gilles et John, en gilet jaune par-dessus leur tenue d’hiver, se réchauffent près du brasero en attendant que le kyrie et midi sonnent.

GILLES – Ca vous dirait de vivre dans le luxe, Monsieur John ?

JOHN – C’est à moi que vous demandez ça, Monsieur Gilles ? J’en suis touché jusques au fond du cœur ! Vous êtes mon premier émoi de la journée. D’habitude personne ne fait attention à moi sur ce rond-point. Pourtant je suis sur la scène depuis le premier acte. Remarquez, j’ai l’habitude.

GILLES – Ce doit être à cause de votre physique d’acteur shakespearien. Vous devez faire peur aux gens. Avez-vous déjà songé à tuer quelqu’un ?

JOHN – Vous trouvez que j’ai une tête à jouer Brutus dans « Jules César » ? Ou Ravaillac dans « Heni IV » ?

GILLES – Ce personnage-là n’existe pas dans cette pièce-là, Monsieur John. C’est pas notre Henri IV à nous. Ça vous dirait de vivre dans le luxe, Monsieur John ?

JOHN – Peut-être que ma définition du luxe ce serait déjà d’avoir de quoi me payer le train pour aller voir une poule à Pau le dimanche !

GILLES – Une Paloise ? Vous avez des vues sur quelqu’un là-bas ? Palsambleu ! Vous rêvez de mettre la paluche sur une Paloise ? Et si on se tutoyait Monsieur John ?

JOHN – Si tu veux, Monsieur Gilles. Tu avais autre chose à proposer ? Le calme et la volupté en supplément du luxe ?

GILLES – J’aurai peut-être ça un jour. Je l’amènerai sur le rond-point. Enfin, sur le théâtre du rond-point.

JOHN – J’ai l’impression que pour toi le futur est le vide-grenier de tes rêves. Enfin si t’es riche, que t’as RIT ou quoi, je te donne un RIB ou sinon tu peux me faire un chèque. J’accepte aussi le liquide.


Entre Frankie, le pompier de service, qui lance à la cantonade :

FRANKIE – Eh, les gars ! Ça vous dirait un dîner de con ?

GILLES - Vas-y Frankie, c’est bon, c’est bon !

FRANKIE – Alors voilà j’ai concombre en hors d’œuvre, conserve de cassoulet en plat principal et biscuit concassé sur le crumble en dessert.

JOHN – C’est consistant, ça va nous remonter le moral, cher compatriote compatissant !

FRANKIE – De quoi est-ce que vous causiez, citoyens ?

GILLES – Je questionnais Monsieur John sur son désir de luxe.

JOHN – Je suis content qu’on s’intéresse à moi. En même temps, je ne vais pas vous raconter ma vie. Ce n’est pas mon genre et elle est un peu tristounette. Je suis chanteur remplaçant dans des chœurs d’opéra. Autant dire figurant intérimaire sur des tournages de téléfilms de France 3.

FRANKIE – Je me demande comment vous avez survécu jusqu’à aujourd’hui !

JOHN – C’est grâce à l’astrologie. Je suis de type saturnien et mon astrologue m’a prédit que je me réaliserais très tard. Alors j’attends. J’attends mon heure. Tout le monde dit que j’ai la lenteur dans le sang. Ce n’est pas de la lenteur, c’est de la patience.

FRANKIE – Moi ce n’est pas pareil. J’ai des idées mais elles ont du mal à sortir. Sauf la nuit, dans mes rêves. Hier, par exemple, j’ai rêvé que j’accrochais un hareng saur en haut de ma grande échelle !

GILLES – Un hareng saur ? Mais ça pue, le poisson !

FRANKIE – Pas dans les rêves.

JOHN – Vous voyez ? C’est toujours pareil. C’est toujours les victimes qu’on blâme ! Il n’y peut rien le poisson s’il est né fin février et qu’on est en décembre !

FRANKIE – Puisque je vous dis qu’il ne sentait rien !

GILLES – Un poisson sent toujours le poisson !

FRANKIE – Que celui qui n’a jamais pêché jette la première pierre !

JOHN – Ah non ! On est sur un rond-point non violent !

FRANKIE – Moi je dis ça, je dis rien.

JOHN – Alors ferme-là ! Il n’y a qu’un bélier pour dire ça ! 

GILLES – A part ça, ça vous dirait de vivre dans le luxe, Monsieur John ?

JOHN – Je ne peux pas l’envisager. Déjà que je gagne pas lourd, en plus j’ai eu un redressement fiscal. Ca fait mal. Très mal !

GILLES – Votre voix doit être bonne pour le gémissement ! Alors ce luxe, c’est non ?

JOHN – Mais pourquoi vous me demandez ça à la fin ?

GILLES – En fait c’est parce que j’ai amené des entrées. Je peux reformuler ça autrement si vous préférez : avec ou sans mayo ?

JOHN – Sans ! Parce qu’en plus j’ai du cholestérol !

GILLES – Ça tombe bien ! Mon entrée c’est des œufs durs et j’ai oublié le pot de mayonnaise à la maison !

RIDEAU

N.B. La photographie est empruntée à  France Bleu

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 15 janvier 2019

à partir de la consigne ci-dessous.

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