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Mots et images de Joe Krapov
24 novembre 2018

IT'S A LONG WAY TO COLUMBARIUM !

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A chaque fois que le vent soufflait dans les branches de sassafras, Bianca Lafolia faisait entendre sa tragique chanson. On eût dit un opéra de Verdi, dramatique et larmoyant à souhait, et on en versait des larmes, et on reniflait et on se tamponnait les yeux avec nos mouchoirs ! Enfin, façon de parler parce que Pascouché et moi on est surtout des escargots.

Bianca Lafolia a tenu trois saisons et ce jour d’hui, le vingt novembre, elle a fini par céder à la pression des éléments déchaînés : les incendies de Californie, les défilés de gilets jaunes, de bonnets rouges, de blouses blanches, de délégués du congrès des maires à écharpe tricolore, de la moustache d’Edwy Plenel en goguette à Villejean. Elle n’était plus très bien dans son assiette, elle est tombée, elle s’est écrasée au sol, elle est morte. Dès que j’ai su la nouvelle je suis allé prévenir Pascouché.

- Qu’est-ce qu’il y a, Buvard ? Tu ne vois pas que je suis en train de trier les granulés bleus et les pots de yaourt emplis de bière qui nous empêchent d’accéder aux salades qu’on raconte dans les télés ? Ceux-là, d’ailleurs, quand est-ce qu’ils vont nous rendre Apostrophes ?

Pascouché est un intellectuel susceptible et irascible. C’est une célébrité dans son genre mais il n’est pas prétentieux pour autant ni pour deux ronds de carotte. Il s’appelle Pascouché et il est célèbre parce que vous avez toutes et tous entendu parler de lui. Dans les manuels de calcul utilisés pour enseigner la multiplication, la division et autres opérations en option aux petits des humains, c’est lui qui escalade le poteau d’1’80 m de hauteur en grimpant 60 centimètres le jour et en redescendant 15centimètres la nuit. On demande au bout de combien de temps il atteindra le sommet du panneau.

- Eh bien ! On n’est pas couchés, se disent les parents des mioches en se grattant la tête.

- Et moi, quand est-ce que je dors, dans cette partie de yoyo ? C’est bien la peine d’avoir sa maison sur le dos si on ne peut pas se coucher dedans quand on veut ! a répondu Pascouché.

Pascouché n’a jamais tiré aucune gloriole de cette notoriété-là.

- Ca m’a juste forgé un peu plus le caractère. Comme la fois où j’ai réussi à battre le grand maître Limassov au tournoi d’échecs de Dieppe. Qui plus est en blitz !

La cadence du blitz, chez nous les escargots, est de quarante coups en trois jours puis de vingt coups en deux et enfin d’un jour pour terminer la partie. Avec un incrément de trois heures par coup joué.

- Notre amie Bianca Lafolia a cassé sa pipe cette nuit. Est-ce que tu veux bien m’accompagner à son enterrement ?

- Y’a pas une entourloupe non plus derrière cette histoire-là ? Je me suis déjà fait avoir une fois avec les cancres des prés verts dont le porte-plume redevient oiseau ! Je les connais, les mômes ! En sortant de l’école ils nous ramassent puis nous oublient dans un recoin de l’espace-temps et on est condamnés à tourner en rond dans un vieux souvenir de grand-mère ! Ou dans une cage à képi qui ne salue plus rien !

- Il paraît que ce sera une crémation et qu’on a besoin de nous pour établir la liste des chansons qui lui rendront hommage.

- Ah ? Un teppanyaki ? Alors ça marche, biloute ! On va aller l’oscariser, notre copine ! Tiens j’ai déjà une idée de titre : « Flamme pure et légère » !

- Ah oui, « la légende du feu » ! Ou bien « Allumer le feu », de Johnny !

- Dans « Mon père m’a donné un mari », la jeune femme met le feu au lit. Ca te dirait ?

- T’es fou, toi ! On ne peut pas chanter de chansons cochonnes dans ce genre de cérémonie funéraire !

- En tout cas moi je ne chanterai pas celle d’Yves Montand, même si on répond à l’appel.

Là-dessus on s’est mis en route pour aller enterrer la feuille morte.


Ecrit pour le Défi du samedi n° 534 à partir de cette consigne : gastéropode.

Ce texte répond aussi à la consigne n° 10 de Treize à la douzaine.

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21 novembre 2018

POUR CONFORTER L'ONCLE WALRUS

J’ai vu le teaser de la saison 24 de « A la recherche du temps perdu » ! J’ai trouvé ça écotoxique ! 

Difficile de trier le bon grain de l’ivraie dans ce soap-opéra ! La multiplication des personnages qui s’apostrophent, se mettent la pression, s’écharpent ou au contraire se boujoutent, se poutounent, se doucinent ou carrément se catleyent entre deux bouffées de vapoteuse, toutes les taches aperçues sur le buvard des scénaristes nous laissent renifler qu’on ne verra pas encore le bout de l’histoire au terme de ces épisodes-là ! Ils se sont gardé l’option d’une saison 25 ! Ca doit leur rapporter, quelque part, à ces travailleurs détachés  en voie de boboïsation ! Enfin, c’est l’opinion que je me forge.

2018 11 21 Madeleine Proust

Mais s’ils croient que cette version en mapping video projetée sur la façade de l’église de la Sainte-Madeleine sera césarisée, voire oscarisée, ils se mettent le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate ! On ne pouvait déjà pas se sentir bien dans son assiette après avoir ingurgité le teppanyaki de biscottes trempées dans le thé du frotteur prétentieux qui a pondu le pitch, alors cette déclinaison tire-à-la-ligne, alambiquée et quasi soaporifique, quand elle sera diffusée, moi je lui dirai niet ! Même pas en replay ! 

Et pour longtemps ! D’ailleurs, moi, dès ce soir, je me couche de bonne heure !

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean d'après la consigne
des Impromptus littéraires du 19 11 2018
et d'après celle de Treize à la douzaine de novembre 2018

19 novembre 2018

DENEZ, LE CHANT MAGNÉTIQUE

Ce dimanche après-midi, nous descendons à pied jusqu'au cinéma l'Arvor, rue d'Antrain. J'ai vu qu'on y jouait, à 18 h 15, un documentaire consacré à Denez Prigent, chanteur breton à la voix aussi belle que puissante. Quand on arrive, le hall d'attente est plein et on fait la queue dans la rue sans que rien ne bouge. Ils passent un blockbuster, avant, ou quoi ? Et puis en regardant l'affiche on comprend et on se dit qu'on n'aura peut-être pas de place : la séance bénéficie de la présence des réalisateurs... et de Denez lui-même. Tout le fan-club est là !

Comme nous sommes arrivés en avance nous faisons partie quand même des heureux bénéficiaires. Le documentaire est superbe et Denez aussi. Il a une présence, une humanité, un chant... magnétiques ! Et comme il a beaucoup d'humour, j'agrémente de mes éclats de rires l'atmosphère glacée que crée toujours, à l'Arvor, un public intellectuel à l'expressivité tout en retenue. C'est bien dit, hein ?  

On découvre que l'artiste est aussi graphiste, qu'il a une licence d'arts plastiques et réalise des oeuvres magnifiques. Mais qu'il n'aime pas les montrer (séquence très drôle dans le film : il montre le dessin qu'il vient de réaliser à la caméra mais pose sa main dessus) ! 

Bref un documentaire envoûtant, un moment de bonheur suspendu, une bulle de nostalgie et de célébration du sacré à travers le chant.

Au cours de la séance de questions du public, on a droit à l'histoire du fan qui poursuit et coince Denez dans le supermarché où il fait ses courses.

- Vous êtes bien le chanteur ?

- Oui ?

- Denez Prigent ?

- Oui ,c'est moi.

- Je me demandais. parce que ici, vous n'avez pas la main sur l'oreille ?

- Pour pousser un caddie (R), ce n'est pas très pratique non plus !

Du reste savez-vous pourquoi Denez chante avec la main sur l'oreille ? Parce qu'il téléphone à I Muvrini !

Un entretien gâché sur la fin par l'intervention outrecuidante d'un papy qui voulait à tout prix faire chanter à Denez la Marseillaise version Graeme Allwright !

On a beau vivre en intelligence, on est toujours obligé de revenir à une autre chanson, "le pluriel", de Georges Brassens !

A -t-on idée de vouloir faire chanter "La Marseillaise" en breton ?! C'est bête à pleurer !

Denez s'en est tiré en plaisantant : "Je ne connais pas la musique de ce morceau !"

Nous on s'est tirés purement et simplement. 

Je n'ai pas trouvé d'extrait du documentaire. Allez le voir si vous en avez l'occasion. Je vous laisse juger du talent de l'homme d'après deux trois vidéos ci-dessous : 



19 novembre 2018

GERMAINE QUINGE ED NOM ! *

Lakévio 130 20809163

Voici l'heure où commence l'histoire de Germaine Malorthy, du bourg de Terninques, en Artois : c’est neuf heures du matin. Elle installe ses 90 kilos, clope au bec, au volant de sa vieille Renault 5 et, toussotant autant que le moteur, s’en va cahin-caha vers Arras toute proche.

Elle se gare près de l’hôtel de ville, s’extirpe de la carcasse piquée de rouille et se rend au service de l’état-civil. Elle prend un ticket et son tour dans la queue.

- Qu’est-ce qui vous amène, chère Madame ? demande aimablement l’employé faux-cul en contemplant le laideron dépenaillé qui vient de s’asseoir face à lui.

- Ben v’là ! Je n’n ai marre qu’in m’appelle toudi Germaine ! I’ m sanne que tout l’monde y s’fout d’mi à cause ed cha. Ch’est possibe eud quinger d’nom et d’ prénom ? **

- Mais bien entendu, chère concitoyenne ! Du moment que vous ne souhaitez pas devenir Fañch Le Marrec avec un tilde breton sur le n, Mohamed Merah, Mégane Renault, Ikéa Rogntudju, Rambo Livi ou Nutella Téoula, tout est possible, tout est réalisable. L’identité est à la carte ! Vous avez d’ailleurs peut-être établi votre choix avant de venir formaliser ?

- Oui ! Ej voudros ben qu’in m’appelle Lakévio Ambato ! ***

- Lakévio Ambato ? Très joli choix, Madame ! Un petit côté latin, exotique, méditerranéen ! Je vous félicite, c’est une très bonne idée. Je vous établis les papiers tout de suite. Voulez-vous bien entrer dans la cabine du photomaton pour que j’appose une photo récente sur votre carte ?

Germaine lève sa graisse et s’exécute. Elle entre tant bien que mal dans le photomaton. Quatre coups de flash plus tard, Lakévio Ambato en ressort : svelte, dynamique, élégante, mince, racée, c’est une autre femme. Ses cheveux sont si légers qu’ils sembleraient flotter dans le vent s’il y avait un souffle d’air quelconque dans la mairie d’Arras. Ce prénom de Lakévio lui va très bien au teint.

L’employé lui tend ses papiers. Elle règle le montant du timbre fiscal, sort de l’hôtel de ville sous le regard de loup texaveryen de tous les individus de sexe masculin présents en ce lieu.

Parvenue là où Germaine avait garé sa R5, elle sort ses clés de voiture de son sac et ouvre la portière de la Ferrari GTC4 Lusso blanche. Elle démarre, prend la route de Paris puis celle du Sud. Le trajet se passe sans encombre. Il y a juste, de temps en temps, une petite voix intérieure du moteur qui émet un son comme « Si j’aros su ! Si j’aros su ! » ou « Si j’aros su, j’y seros allé avant !». ****

Lakévio 130 121799831

Tableau de Carrie Graber

En rentrant le soir dans sa villa du Lubéron, Lakévio va piquer une tête dans sa piscine. Puis c’est l’heure de passer à table.

- Nestor, commande-t-elle au majordome. Vous demanderez à Joseph de porter la voiture au garage demain. Elle fait un curieux petit bruit lorsque je fais des pointes de vitesse. Dites-lui aussi que nous prendrons la Rolls pour aller flamber à Monte-Carlo demain soir.

- Bien Mademoiselle !

Lakévio 130 57786500Le repas d’Honorine est excellent comme à l’habitude et pour terminer la soirée Lakévio hésite entre la relecture d’une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald dans le recueil « Un diamant gros comme le Ritz » ou la consultation d’un documentaire sur Rome sur le home cinéma. Ou peut-être rien : c’est si bon de revenir chez soi et de s’y sentir bien ! Dehors la nuit noire et le bruit assourdissant des criquets s'étendent de nouveau, maintenant, sur le jardin et la terrasse, tout autour de la maison.

Traduction des phrases en Ch'ti :

* Germaine change de nom

**  Voyez-vous, Monsieur l'employé, je suis lasse de porter ce prénom Germaine. Il me semble que ce patronyme fait naître moult moqueries chez mes contemporain.e.s. Me serait-il possible de changer d'identité ?

*** Effectivement, j'aimerais assez me faire appeler Lakévio Ambato.

**** Si j'avais su, j'y serais allée bien avant !

Les deux photos sont empruntées à Lakévio.

Ecrit pour le jeu de Lakévio n° 130 d'après cette consigne

18 novembre 2018

Le Mikado par Vocaline à l'Antichambre de Mordelles (Ille-et-Vilaine) le 17 novembre (1)

Hier soir j'étais à Mordelles pour découvrir le Mikado de Gilbert et Sullivan par Vocaline.
Autant dire que j'ai été transporté... au Japon !

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L'imbécile qui regarde le doigt de celui qui montre la Lune...
c'est pas plutôt en Chine, les gars ?

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Je raconterai plus tard le retour à Rennes de M. Frédéric. Ca vaut le jus !

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18 novembre 2018

Le Mikado par Vocaline à l'Antichambre de Mordelles (Ille-et-Vilaine) le 17 novembre (2)

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- Je n'ai rien compris à l'arrivée des fofolles, avoué-je à la fin du spectacle à une des geishas de la troupe.
- Ce ne sont pas des fofolles, Joe Krapov. ce sont des héroïnes de manga.
- OK ! La prochaine fois je commencerai à regarder le spectacle par la fin, je comprendrai mieux !

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18 novembre 2018

Le Mikado par Vocaline à l'Antichambre de Mordelles (Ille-et-Vilaine) le 17 novembre (3)

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18 novembre 2018

Le Mikado par Vocaline à l'Antichambre de Mordelles (Ille-et-Vilaine) le 17 novembre (4)

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Son excellence le Mikado !

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Ce spectacle se joue encore samedi et dimanche prochains ! Allez-y :
ce sera à Montfort-sur-Meu cette fois !

Vocaline 2018 11 17 - Mikado 1 réduit

 

Vocaline 2018 11 17 - Mikado 2 réduit

 

17 novembre 2018

MILLE FANFRELUCHES !


 - OK, je ne suis pas un orfèvre, comme disait Henri-Georges Clouzot, mais pour pouvoir porter pareilles fanfreluches il faut appartenir à un certain genre de greluche : une nature un peu riche, pas moche, avec un tralala de derrière les fagots, genre Suzy Delair. Jolie paire de loches et de miches, bouche en cul de poule et elle-même poule de luxe à vous en boucher plus d’un coin tant elle est fraîche et franche quand elle guinche ou aguiche. Elevée par des Apaches à soulever l’artiche d’un vieil aristoloche à brioche et postiches. Le contraire d’une godiche, une pouliche qui s’affiche et dit « chiche » et se pourlèche dès qu’il s’agit de bamboche et de vous faire les poches. Le genre de Miss Fischer, chapeau cloche et belle broche qui flaire les anicroches avec sa tête de pioche, qu’en a dans la caboche, qui jamais ne trébuche et approche sans embûche de l’anguille sous la roche. Le genre pas pressé d’avoir une belle-doche ou d’élever des mioches. Guêpière et longs jupons, patchouli Chinchilla, bas résilles et boa, truc en plumes à la Zizi Jeanmaire. Qui pourrait correspondre à ça dans l’agenda du notaire à cravate qu’on a retrouvé noyé dans le Rhône ?

- Il se rendait tous les mercredis place Bellecour à Lyon, commissaire ! Chez une horizontale pour une heure de débauche. Genre « taloches, cravache, tu m’attaches pour que je m’amourache. S.M. moi non plus ! Sacher Masoch plein la sacoche ! »

- Le nom de la pimbêche, inspecteur Coluche ?

- Une nommée Amélie Méluche.

- Allez on se dépêche ! Avec un peu de chance on la pêche dans sa crèche. Mandat de perquisition, menottes et tout le toutime. Gyrophare et fourgon. Direction Lugdunum, nom d’un petit bonhomme !

Après tout va très vite. La bignole, une vieille chouette chevêche (pie grièche ?) qui pitanche, est revêche et nous fait la tronche. Elle ouvre l’appartement car on a carte blanche et surtout bleu blanc rouge. Amélie Méluche a fait ses valoches. Dans le tiroir du bas on trouve le bas résille, frère jumeau de celui avec lequel, tout étranglé, le notaire passa l’arme à gauche. Mandat d’arrêt, portrait-robot de la petite biche, police des gares et des frontières. De plumes d’autruche à billet pour l’Autriche, il y si peu de lettres à changer ! Ca s’agite comme dans une ruche, de Perrache jusqu’à Pantruche

- Trop fastoche, cette affaire ! se dit le commissaire. Pourquoi ai-je l’impression, mille fanfreluches, nom d’un Caldoche, qu’on me prend pour un fantoche ? Qu’on me fait des niches ? Que l’on m’emmanche ?

La réponse est ici (et ce depuis dimanche !).


Ecrit pour le Défi du samedi n° 533 d'après cette consigne : Fanfreluche

16 novembre 2018

HENRI L’ENCHANTEUR

- Quel chantier ! Mais quel chantier ! On ne vous apprend donc pas à ranger vos établis à l’école d’archi ?

- Mais enfin, Papa ! Nous ne sommes que deux sur le marché et je suis ton apprenti ! Mon école d’architecture, c’est toi !

C’est vrai. Il a raison, Augustin, mais son projet de fabriquer un homme d’un seul coup d’un seul en assemblant des viscères, des poils, des cartilages, des os, des ongles, des fils, des tuyaux et en y mettant de la flotte partout ça fiche un de ces souks dans notre atelier que je n’ai jamais vu ça auparavant !

IL 2018 05 12 Xenakis Freud

Bon, avec tout ça, vous ne savez même pas qui je suis ! Je me présente : je m’appelle Henri. Henri Dieu. Je suis le grand-père.

Dans la famille Dieu vous connaissez Dieu le père et Dieu le fils. Le grand-père c’est comme Madame Freud chez Françoise Xénakis, on l’oublie toujours !

C’est vrai aussi que je suis un vieux râleur et que je ne comprends rien à son « nouveau monde » dont Il se gargarise à longueur de journées. J’en ai créé autant que Lui des univers et je ne la ramène pas à tout bout de champ – ou de chant ! Je ne vois pas pourquoi Il attache autant d’importance à celui-là ni pourquoi Il est si pressé de donner naissance à l’Homme – avec un grand H, s’il vous plaît ! Mais pour qui ils se prennent, tous ces jeunots !

- Tu jetterais une poignée de pifises dans une bassine de flotte, ça irait tout aussi vite !

- Mais ça prendrait des millions d’années avant d’aboutir, Papa ! 

IL 2018 05 12 Pifises

- Et alors on a l’éternité devant nous, non ? La bonne vieille cellule toute simple avec son noyau, le hasard, la nécessité, la scissiparité, les précipités, les interactions, le secouage d’éprouvette et l’agitation des cristaux du kaléidoscope, le lancer de dés, je ne connais que ça. Faut pas sortir de Saint-Cyr, non plus, pour manier l’atome at home ! Regarde-moi le chantier que t’as étalé dans l’atelier pour assembler ton puzzle. L’Homme, avec un grand H ! A quoi ça rime, j’te d’mande un peu ! Et il va carburer à quoi ton bonhomme ? Au diesel ? A l’électrique ? Quoi ? Qu’est-ce que t’as dit ? Manger les fruits des arbres et chier des crottes par-derrière lui ? Mais c’est n’importe quoi, ce système ! Un truc de ouf ! Je te laisse sept jours pour finir cet univers-là et après du balai, fiston ! Si t’as pas terminé tu prends le statut d’autoentrepreneur ! Je sais qu’il faut bien que genèse se passe mais quand même, tu charries. Et d’abord qu’est-ce que t’as prévu pour la reproduction de ton modèle ?

- Rien. C’est immortel pour l’instant. Aucune obsolescence programmée.

- Rien ? Immortel ? Mais t’es fou, toi ! Attends j’ai un truc sympa qui traîne dans un de mes tiroirs. C’est pas compliqué, je vais t’expliquer !

Mais le temps que je cherche mon petit zinzin Il était déjà reparti assembler ses humérus, radius, et cubitus et autres gros mots en us.

***

Finalement Il a réussi à tenir les délais, l’enfoiré ! Il me l’a présenté son robonobo en meccano : un singe qui aurait aimé les livres s’Il avait pensé aussi à inventer l’imprimerie mais ce n’était pas encore l’heure et Augustin lui avait interdit d’en apprendre trop à son proto-type. Adam, qu’Il l’avait appelé, son bébé ! Tu parles d’un blase !

- T’as droit au Paradis sur Terre, aux RTT et à Koh Lanta sur toute la planète mais tu ne ramènes pas ta science toutes les cinq minutes, OK ? » qu’il a dit à son joujou. Le mec a pas moufté

Là-dessus Augustin a nettoyé l’atelier de fond en comble. Terminé le chantier ! Tout resplendit à nouveau. Je peux tirer des plans sur la comète en bricolant à l’ancienne. J’ai juste retrouvé une côte surnuméraire dans un coin. Comme je trouve toujours dommage de gâcher la marchandise je l’ai mise à tremper dans une bassine de pifises.

Et là d’un seul coup d’un seul, il s’est passé un truc miraculeux. Ca a moussé, moussé, moussé et le pendant féminin d’Adam est sorti de la flotte.

- Bonjour ! Je m’appelle Eve. Je suis la Femme ! a-t-elle dit, pas intimidée pour deux ronds.

Elle était très sympa. J’ai discuté le coup avec elle et je n’ai pas résisté au plaisir de faire une farce à Augustin. J’ai expliqué à la jeune femme le truc de la reproduction et le tabou de l’arbre de la connaissance. Ça l’a bien branchée. Je l’ai déposée sur la Terre, dans le nouveau monde, pas très loin de l’endroit où Adam traversait une rue pour aller tailler un bouleau et se fabriquer un hamac.

Je crois que je vais bien rigoler ! Normal ! Je suis Dieu le grand-père, Henri, le rigolo de la famille et, finalement, moi aussi j’aime bien foutre le chantier ! Surtout chez les autres !

 
Ecrit pour les Impromptus littéraires du 12 novembre 2018 d'après cette consigne

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