MISS FANFRELUCHE EST DE RETOUR
Elle ne va pas le prendre longtemps, le soleil, la poule de luxe en rouge du quatrième, sur son balcon de la place Bellecour, dans cet immeuble où je ne suis que la concierge. Peut-être bien même que d’ici peu elle va se retrouver à l’ombre ! En tout cas, pas la peine qu’elle attende son amant du mercredi, le notaire à cravate de Grenoble. Il ne viendra plus.
Moi aussi j’ai eu mon heure de gloire et tous les regards se tournaient vers moi dans ma jeunesse ; avec mon tralala, mon truc en plumes, ma guêpière et mes longs jupons, en casquette et boutons dorés, j’étais une étoile des Folies-Bergères. Je caracolais comme un cheval sauvage, j’affolais tous les Vénitiens du Lido. On m’avait nommée Miss Fanfreluche à cause de mes tenues de scène affriolantes et de mes cavalcades effrénées.
Et puis, hélas pour moi, j’ai rencontré mon Julot. Il se prétendait étudiant en droit mais c’était surtout à l’époque un dévoyé, un voyou. L’ai-je bien descendu le grand escalier ? Oui, jusqu’au trottoir où il m’a mise avant de disparaître dans la nature, fortune faite grâce à mes charmes.
Moi j’y suis restée sur le trottoir. Je le balaie tous les jours et l’escalier, si je le remonte c’est pour le nettoyer. Mais demain, cette vie-là sera terminée. En rentrant de chez le notaire j’ai mis le feu à tous ces souvenirs d’autrefois que j’avais conservés dans une malle au grenier. Je n’ai conservé qu’un bas résille. Je suis allé le déposer, en son absence, dans le tiroir d’une commode chez la poule de luxe du quatrième. C'est bien pratique parfois d'avoir les clés des appartements de tout l'immeuble !
Je laisserai l’affaire se tasser puis avec le magot que j’ai amassé chez Jules après lui avoir fait payer chèrement son inconduite d’autrefois, je partirai. Personne ne pourra jamais soupçonner la bignole lyonnaise disgracieuse que je suis devenue de porter ou d’avoir porté ces érotiques fanfreluches, ces colifichets de luxe.
Ce sera à nouveau la belle vie. Je pourrai afficher – symboliquement bien sûr – sur ma nouvelle loge virtuelle : la concierge est dans l’escapade !
Ecrit pour le jeu de Lakévio n° 129 d'après cette consigne.
Notons que ce texte répond aussi à la consigne des Impromptus littéraires du 22 octobre 2018
et pourrait très bien servir aussi au Défi du samedi n° 533 dont la consigne est Fanfreluche !!