Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mots et images de Joe Krapov
25 mars 2018

LES TROIS SOLEILS DE RUDISLY

Lakévio 101 Nicolas Ordinet 119154034

Sur la planète Rudisly, il y a trois soleils. C’est pourquoi un Terrien par exemple ne comprendrait rien aux ombres que l’on voit sur cette photo. Dans le système planétaire de la Terre il n’y a qu’un seul soleil qui joue à cache-cache derrière des Trénets de nuages avec un satellite de la Terre nommé Lune.

Les femmes de Rudisly ont les lèvres blanches. Elles sont faciles à soulever parce qu’elles pèsent le poids d’une plume. On est obligés de les lester avec des chaussures à hauts talons aimantés. Le sol de Rudisly est entièrement métallique.

Elles sont faciles à soulever ! Encore une phrase qui va beaucoup plaire sur Centralma ! Sur la planète Centralma la congrégation des H-tagueuses a pris le pouvoir. Là-bas on ne plaisante plus avec la séduction.


Ce tableau est signé Nicolas Ordinet

C’est pour cela qu’on voit plein de Centralmiens sur Rudisly. On les reconnaît à leurs jambes flageolantes, à leurs pantalons flous et à leur costume traditionnel, le Kost ar ch’ravat dans lequel ils sont engoncés.

Il est très difficile de séduire une Rudislyenne, surtout quand on est un Centralmien. Malgré les trois soleils les Rudislyennes sont d’une froideur de statue, d’une dignité de déesse, d’une aridité quasi-Bergmanienne. Jamais leur esprit ne s’échauffe, jamais elles ne manifestent passion ou emportement. Mais c’est justement pour cela qu’on vient les voir. On n’a pas dans l’idée de les séduire mais de se faire séduire voire conquérir par elle.

C’est ce qu’on vient chercher dans cet univers-là. On trouve les Rudislyennes dans les galeries marchandes où elles font semblant de s’intéresser aux livres de l’e-bookinerie du Centre ou aux vitrines de chaussures à semelles aimantées. Mais en vrai elles attendent le client.

Il suffit de s’approcher d’elles et de demander « Puis-je vous offrir un café et cinq cents crédits ? » pour qu’elles lèvent le regard vers vous, et sans ciller, ouvrent leur sac à main en tendant leur menotte. Clic clac, c’est simple comme un coup de téléphone. Une fois transférés les crédits, vous êtes pris. Elles vous emmènent tranquillement à l’astroport de Champlibre.
Vous vous asseyez avec elle au bar, commandez un cocktail R2D3 du B-Ring ou un cappuccino d’Alpha du centaure pour vous et un café pour elle. Vous jouissez tranquillement des jeux de lumières des trois soleils sur la salle de décollage et sur le paysage extérieur en laissant monter la fièvre à l’intérieur de vous. Lorsque sa tasse est vide la Rudislyenne vous demande dans quel plan de réalité vous voulez sauter. « Celui du haut ou celui du bas ? ».

Une fois que vous avez répondu elle se lève, vous prend la main bien fermement et elle ôte ses chaussures. Puis vous passez par la fenêtre.

On n’imagine pas la force que possèdent ces femmes. Elles peuvent soulever jusqu’à cinq-cents kilos d'une seule main sans une seule marque d’effort. Pour la suite, je ne vous fais pas la retape, vous avez lu comme moi le dépliant publicitaire. Les paysages que vous traversez avec elle sont de toute beauté : ce sont des reconstitutions d’après photos de lieux idylliques de la planète Terre aux XIXe et XXe siècle. Le meilleur moment de cette balade romantique et silencieuse est cependant celui où elle vous transperce le cœur avec la pointe de son drapeau. Ca vous glace le sang d’un seul coup d’un seul mais après... quel bonheur ! Si vous avez choisi le paysage du bas, vous revenez en marchant sur l’eau. Si vous êtes dans celui du haut vous voletez au-dessus de la forêt en compagnie d’oiseaux de toutes les couleurs.

Quand vous vous retrouvez à Champlibre, la belle remet ses chaussures et vous demande : « Alors ? Heureux ? ». Personne n’a jamais répondu autre chose que : « Oh que oui ! ».

Quand ils réintègrent Centralma ces messieurs troquent le kost ar ch’ravat pour la chemise blanche à col ouvert vendue par les e-magasins de Bernard-Henri Lévite. Quand ils croisent une H-tagueuse ils se remémorent leur Rudislyenne et ils murmurent tout bas : « Merci à toi, chère impératrice Catherine II-9 d’avoir inventé cette planète magique !». Un autre avenir commence pour eux.

Et après la vie continue, « un peu plus souriante aujourd’hui qu’hier et bien moins que demain » comme disent les habitants de l’Optimistan.

Ecrit pour le jeu n° 101 de Lakévio d'après cette consigne

Publicité
Publicité
Commentaires
Q
(En fait de film, j'ai bien aimé Retour vers le futur n° 1, je l'ai revu plusieurs fois - mais je n'aime pas du tout le deuxième par contre ) mais ce que je trouve intéressant par contre, c'est un personnage qui se trouve en face de lui-même à dix ou quinze ans d'intervalle, ça je trouve vraiment curieux, ça porte d'ailleurs un nom je crois, mais j'ai oublié).
Répondre
Q
Personnellement, je suis admirative, parce que je suis totalement nulle en science-fiction (à se demander comment j'ai fait pour réaliser un dossier pédagogique sur The Matrix). Et puis, je reconnais ton humour et ton inventivité... Pour un peu, lol, je serais jalouse !!! Arriver à faire ça .................... Chapeau !<br /> <br /> <br /> <br /> (Mon ex mari avait voulu me faire lire "les Robots" - j'ai lu des nouvelles d'une auteure de science fiction dont j'ai oublié le nom...) Et en fait de films, j'ai vu The Matrix... Les Star Wars (avec un fils, c'est obligado) ... Retour vers le futur I, II et III (et la machine à remonter le temps quand même). <br /> <br /> <br /> <br /> Mais en fait dans la science fiction, on a souvent affaire à de l'aventure. Pourquoi pas une fois quelque chose de sentimental ??? <br /> <br /> <br /> <br /> J'oublie, j'ai quand même un copain qui a écrit un roman de science-fiction et me l'a fait lire. Il fait des dessins... en 3D, de science fiction justement et il est extrêmement calé dans cette partie...
Répondre
P
M'intéressant à l'astronomie, j'ai adoré ce texte, tout en humour et finesse... mais n'ai pas du tout envie d'aller sur Rudisly, ni sur une autre planète d'ailleurs... on a pollué notre belle Terre, on ne va pas aller en détruire une autre ;)
Répondre
C
J'ai programmé mon retour vers Optimistan, la planète où je me sentais bien et que je n'aurais jamais dû quitter ...<br /> <br /> Belle nouvelle d'anticipation, mon oncle.<br /> <br /> ;-)<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
Répondre
L
J'ai adoré cette histoire.<br /> <br /> Cela dit, tu vas te faire haïr par des Centralmiennes de passage...
Répondre
L
Et bien, quel embarquement !... Je n'avais pas du tout envie de redescendre mais de poursuivre mon vol avec les oiseaux ! Une fantaisie que j'ai adoré. Bravo et merci.
Répondre
H
Pas encore séduite par le meilleur des monde même sur la planète Rudisly c'est soleil vert, joli texte autrement.
Répondre
D
je ne suis pas fan de fiction, mais ce texte est tout à fait drôle, bien empreint des réalités du moment. J'ai souvent souris à sa lecture. Un bon décorticage des moeurs de notre époque. Bravo.
Répondre
A
j'adore ta façon de rire des faiblesses du tableau :-)
Répondre
Mots et images de Joe Krapov
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 787 878
Archives
Newsletter
Publicité