Consigne 1617-26 de l'Atelier d'écriture de Villejean du 2 mai 2017 : Pensées entre deux anagrammes
Pensées entre deux anagrammes
Dans le livre « Anagrammes pour lire dans les pensées », Jacques Perry-Salkow a relevé des phrases philosophiques dont les lettres mélangées peuvent reformer d’autres mots et donc d’autres phrases.
Il a demandé à Raphaël Enthoven d’écrire un texte qui mène d’une formule à son anagramme. A titre d’exemple ce texte nous explique pourquoi « Critique de la raison pure » devient « paradis onirique et cruel » ou divague plus ou moins logiquement entre les deux formules.
Il est demandé d’écrire plusieurs textes d’une quinzaine de lignes pour aller d’une anagramme à l’autre. Tous les styles sont admis.
Voici la liste des anagrammes proposées dans lesquelles chacun(e) pouvait choisir :
Empruntons la route et rions | Et la mort n’est rien pour nous |
Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre | L’écriture signe le questionnement |
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve | la vague sans fin modifiée emmène nos jeux de sable |
Le travail, la famille, la patrie | La villa, le mari parfait, la télé |
Mouvement des Femen | Vénus, femme et démon |
La crise de l’autorité | Le droit à la sécurité |
Liberté égalité fraternité | ébriété, flirt et galanterie |
Intouchable | chant oublié |
De la démocratie | art de la comédie |
Monseigneur Bossuet, l’aigle de Meaux | Diable ! les goûteux sermons ! Une magie ! |
Et si le ciel était vide ? | Ta vie, elle est dite ici ! |
Monsieur Tout le monde | Tu es le mouton endormi |
La révolution d’octobre | robinet d’alcool ouvert |
La fonction crée l’organe | Le forgeron connaît cela |
L’ancien régime et la révolution | Le roi guillotiné creva net. Amen |
La propriété, source de l’égalité | origine de la prospérité actuelle |
Dieu est mort | Remis de tout |
Le journal d’un séducteur | jeu cruel d’un sale tordu |
La beauté est dans l’œil de celui qui regarde | et Dieu créa la laideur dans le geste oblique |
Le misanthrope | l’atmosphérien |
On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux | Saint-Exupéry veut, noble visée, que l’être conçoive bien les illusions |
On se suicide toujours trop tard | Discutera-t-on toujours d’espoir ? |
Le paradis terrestre | plâtre de terrassier |
La vieillesse est un naufrage | vigne austère sans la feuille |
Le rêve américain | La vie mercenaire |
Qu’est-ce que le moi | c’est quelque émoi |
L’inconscient est un lac obscur | blanc inconnu sous clé stricte |
Entre la solitude et la vulgarité | une voile leste, l’attrait du large |
La grande muraille de Chine | Le daim regarde la chenille |
La vraie vie est ailleurs | La rivière suit sa vallée |
Le nombril du monde | l’immonde rond bleu |
La morale a toujours le dernier mot | Alors l’amour rend Juliette à Roméo |
La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix | Le gueux radine, l’étendard palpite, le ciel bouge |
Perdre sa vie à la gagner | aspire à la grande grève |
La révolution industrielle | nourrit la solitude en ville |
Question sans réponse | enquêtons sans espoir |
La fin du monde est pour demain | arôme fou d’un matin splendide |
De l’entremangerie universelle | Nulle règle. Rester en vie demain |
Cueille le jour sans te soucier du lendemain | au seuil du jardin : une école, cent mille roses… |
Penser contre soi-même | comme serpenter en soi |
Autres temps, autres mœurs | Tout passe et sera murmures |
Salon de Madame Verdurin | Marivauder dans le monde |
Le baiser du soir | libido rassurée |
Le sens de la vie | L’éveil des ânes |
L’épreuve de philo du bac | l’approche bleue du vide |
L’amour un instant de bave | un diamant bouleversant |
QUE NUL N’ENTRE ICI S’IL N’EST GÉOMÈTRE !
- Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre !
- Parce que… c’est quoi, ta boutique, Platon-Daignant ? C’est un atelier dans lequel on travaille à la chaîne d’arpenteur ? C’est une droite qui passe par deux poings dans la gueule et d’un seul coup d’un seul se retrouve chaos ? C’est un point de passage vers un univers parallèle ? Un endroit où l’on peut jouer au petit rapporteur parce que tout est black et rien d’équerre ? Un lieu où il faut respecter les règles et faire dans la demi-mesure ? C’est le pavillon de Sèvres ? On y conserve Nicolas Sarkozy dans du formol et dans cette vitrine attenante, là, ce sont les talons du maître ? C’est la salle Hubert Circurien ? On y donne des circonférences pour nous expliquer pourquoi le monde tourne de moins en moins rond ?
- Ca va changer. A partir de dimanche soir vous n’aurez plus le droit d’écrire vos insanités et d’interroger le pouvoir. La bête qui vit dans cette caverne connaît votre amour des Lumières et votre habitude de demander des comptes. Elle les connaît et elle ne les aime pas. Ces usages seront abolis. Nous n’acceptons pas que l’écriture signifie le questionnement.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 2 mai 2017 d'après la consigne ci-dessus.
ON NE SE BAIGNE JAMAIS DEUX FOIS DANS LE MÊME FLEUVE
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Ça porte malheur. Regardez la pauvre Léopoldine Hugo à Villequier !
Et puis, la Vilaine, vous vous y plongeriez, vous, dans cette eau boueuse du centre de Rennes ? Et comment vous feriez ? On a construit un parking par-dessus !
J’ai du respect pour les poètes. Jamais je n’irais me baigner sous le pont Mirabeau à Paris au milieu des amours d’Apollinaire.
J’aurais bien fait trempette des pieds à Meung-sur-Loire mais il y avait là un gros pêcheur aigri qui m’a jeté :
- Si tu te baignes là, je te fais coffrer ! Aussi vrai que je m’appelle Jules Maigret.
Je n’ai pas insisté. Ces retraités, quelle engeance !
Il faut voir les digues qu’ils ont construites, à Toulouse ô Toulouse ! Dès qu’elle entend du Nougaro la Garonne ne se sent plus pisser, elle déborde d’aise et ce sont alors des crues phénoménales. De toute façon la Garonne on ne la traverse à gué que lorsqu’il a neigé à Port-au-Prince, c’est-à-dire pas souvent. Du coup je préfère dire à ma femme de faire du feu dans la cheminée et rentrer chez nous
Tous les fleuves, c’est pareil. Dans la Tamise, ce n’est pas de mise, dans le Hoang Ho il ne fait pas chaud. Dans le Tage ça te bousille les cartilages, dans le Rhin ça t’esquinte les reins, dans l’Ienisseï tu te gèles les glaouis et dans l’Ob… ça te glace les lobes des oreilles.
Pour vous dire, même à la plage, je ne me baigne plus. Ce n’est jamais la même eau non plus, à la mer. Et je ne fais même plus non plus de châteaux de sable. J’aurais l’air de quoi, à mon âge (28 ans bientôt, faut-il le rappeler ?). Tout fout le camp, ma brave dame, dans cet univers fluctuant, liquéfié, dévastateur. La vague sans fin modifiée emmène nos jeux de sable.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 2 mai 2017 d'après la consigne ci-dessus.
DIEU EST MORT
Dieu est mort et moi-même je ne me sens pas très bien.
Dieu est mort et Marine Le Pen est au second tour de la présidentielle.
Dieu est mort et François Fillon a ramassé sa veste. « Non mais dis donc, Dieu ! » a-t-il lancé après avoir regardé la doublure. Où est-ce que c’est-y que tu t’habillais ? C’est pour un va-nu-pieds comme toi que je me suis allié avec les intégristes de Sens commun ? Je leur ai même promis des ministères et toi, le tien, tu y mets un terme sans prévenir, tu tombes la veste et tu t’en vas marcher sur l’eau sans chemise et sans pantalon, comme Rika Zaraï ? Tu retournes faire le mariole parmi les âmes du paradis en nous laissant les juges d’instruction et Nadine Morano aux fesses ? Merci bien ! ».
Dieu est mort et nous, il y a cinq ans, on a entendu le discours de François Hollande au Bourget. On aurait mieux fait de réécouter Gilbert Bécaud chanter « Je m’en vais dimanche à Orly » Lui au moins, il y allait, il tenait ses promesses.
Dieu est mort et on a dû voter Chirac au deuxième tour en 2002. On a connu Berlusconi et Sarkozy, on a Trump et Poutine et Marine au second tour. Je le sais que les promesses n’engagent que ceux qui y croient (Charles Pasqua) et c’est pour ça ou plutôt contre ça que je vais voter Macron dimanche prochain.
Mais bon ! Je n’en suis pas encore à me retourner dans ma tombe mais je crois quand même que depuis que Dieu est mort, je ne suis pas encore vraiment remis de tout !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 2 mai 2017 d'après la consigne ci-dessus.
LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE
La Révolution d’octobre… Hic ! Il faut boire à sa santé ! Hips !
Certes, elle nous a apporté le Merckxisme-Léninisme ! Hic ! Mais bon Hips : C’était pas capital de tout comprendre ! Hic ! Fallait juste obéir au camarade Guépéou Kagébérovitch parce que sinon…Goulag ! Beurk !
Au début, c’était les blancs contre les rouges ! Hic ! Mais nous, c’est pas notre faute si on préférait le rosé ! Hips ! Et la vodka !
Bien sûr, il y a eu Trotzky et ce regrettable incident de pic à glace. Hic ! Mais quelle idée aussi de mettre un aussi gros glaçon dans un verre aussi petit ! Hic ! Ils sont fous, ces Mexicains !
On a connu Staline gronde, Stalingrad, les orgues de Katioucha… Hic ! Mais nous on n’y comprenait rien à la musique de Choskat… Chostakovitch !
La Révolution d’octobre… Hic ! Il faut boire à sa santé ! Hips !
Grâce à elle on a eu Khrouchtchev, Gagarine, Yachine, Karpov, Gorbatchev, les chœurs de l’armée rouge, Boris Eltsine ! Santé, camarades ! Za vaché zdorovié Tovarichtchi !
Hic !
La révolution d’octobre ! 1917-2017 ! C’est le centenaire cette année ! Tout ce qu’on a pu boire comme vodka dans tout ce temps ! Cent ans, qu’il est, le robinet d’alcool, ouvert !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 2 mai 2017 d'après la consigne ci-dessus.