Tout peut arriver dans la vie. Il y a des gens qui attendent d’être à la clinique Saint-Laurent pour se mettre à lire, après leur opération de la cataracte, « Ainsi parlait Zarathoustra ». Ils jettent sur cette œuvre de Friedrich Nitzsche un œil neuf sinon les deux.
Parce que, si après l’intervention sur le premier œil on a fait un œdème de la cornée, on ne peut guère lire alors que « Ainsi parlait le jus de réglisse ». Ca n’est pas du même auteur mais c’est encore plus obscur comme bouquin de philo. Ou noir si c’est un roman.
Ce soir, je ne suis pas sortable ! Je rigole avec les malheurs de mes copines plus âgées mais c’est surtout parce que j’ai le trouillomètre à zéro ! Le jour où on m’annoncera que je dois passer sur le billard, c’est sûr, j’aurai les boules. La queue entre les jambes et la peur bleue au bout j’irai prier Sainte Rita, la patronne des iatrophobes et des kolkhozes désespérés, pour qu’elle me donne le don d’ubiquité !
En rentrant à la maison, je dirai alors : « Tiens, vas-y à ma place, Joe Krapov, toi qui as l’habitude d’affronter Elliott le dragon, au rendez-vous du Docteur Yannick Charcuteuil ! Il t’attend de pied ferme mardi à 14 heures. Moi je ne peux pas m’y rendre : j’ai encore ajourné une partie d’échecs avec deux pions d’avance et une position de merde et je dois voir si le logiciel GNU chess que m’a filé M. Jean-Pierre Vroum Vroum Berthoise m’a donné de bons conseils pour gagner quand même.
Oui, je suis comme ça. Et je ne comprends toujours pas pourquoi mon épouse n’en a pas rat le bol de vivre avec un tel pétochard, filochard et pantouflard dans mon genre. J’écris « rat le bol » « rat » parce que je ne suis bien que dans mes fromages !
Ce n’est pas faute pourtant, de sa part, de vouloir me faire sortir de mon trou ! Ce week-end elle m’a envoyé faire un stage de musique des Balkans. Vous n’allez pas me croire mais j’ai vécu là le pire moment de mon existence ! Après nous avoir fait apprendre deux morceaux de musique injouables, la professeure, une jeune dame charmante au demeurant, nous a fait monter sur la scène d’un théâtre pour les rejouer devant un public nombreux. Comme nous avions écouté les premiers musiciens de ce concert collectif, on avait complètement oublié les mélodies des deux morceaux à exécuter. Ou plutôt, pour dire au plus près de la vérité comment cela se termina, nous les avons réellement exécutés !
Jamais plus je ne participerai à de telles agapes ! Comme nous étions allés, la veille au soir, à une fiesta d’anniversaire où nous n’avions pas non plus trouvé notre place, je vous promets que le week-end prochain, pour compenser, je ne sortirai pas de mon trou à rat. Je resterai au lit avec « Ainsi parlait Zarathoust-rat » !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du 15 novembre 2016 à partir de la consigne ci-dessous.