CI-LOMBALGIT JOE KRAPOV !
Il suffit de changer une ampoule dans sa salle de bains et on se retrouve métamorphosé en Clo-Cloporte. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Franz Kafka, spécialiste du genre qui eut sa petite heure de gloire jadis en raison d’un numéro de transformiste qu’il exécutait dans un cabaret de Prague.
C’est avec des jeunes sots qu’on fait des vieux cons. Cela, c’est paraît-il, de Louis Aragon. Moi je me fiche de cela comme de mon premier slip aéré – c’est aussi de lui – mais mon dos, non : avec le temps, va, comme tout s’en va – oui, gagné, Léo Ferré ! -, il paraît que ma colonne vertébrale a perdu sa courbure en chemin. Pour apprendre cela l’iatrophobe militant que je suis a dû avaler une couleuvre supplémentaire après le dernier lumbago subi et prendre rendez-vous avec un kinésithérapeute-ostéopathe. Très sympa, le gars, pour une fois !
Ca ne m’a pas fait perdre le sens de l’humour pour autant ! Quand je suis rentré de la première consultation j’ai demandé à Marina Bourgeoizovna : « Tu n’aurais pas un annuaire du téléphone pour que je me lave les dents ? ».
Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes mais Joe Krapov si. Pierre Lescure et Philippe Gelück aussi. C’est pourquoi il partage ses images, ses citations de Louis Aragon, ses délires verbaux et désormais ses cours de maintien pour internautes à mal de dos récurrent avec vous.
- Chaque fois que vous vous laverez les dents, conseille l’ostéopathe sarthois de Rennes, vous mettrez un annuaire sous vos orteils. Cela vous aidera à retrouver la cambrure naturelle de la colonne vertébrale.
Et de fait, à part les taches de dentifrice sur le pyjama ou sur le pull le matin, ça marche !
La deuxième visite a eu lieu vendredi dernier. Ce soir-là j’ai appris à me métamorphoser en chevalier servant. Toutes les dames qui passent par ici savent très bien que leurs désirs sont des orgues et que je me ferai un réel plaisir d’en jouer. Désormais je pourrai pour elle, en plus, mettre un genou en terre, poser sur le tapis le cœur que j’avais sur la main, appuyer mes deux mains sur l’autre genou allonger vers l’arrière la jambe avec le genou en terre en la faisant glisser, cambrer les reins et me casser la gueule sans me faire mal aux seins : c’est juste vous qui vous fendrez les côtes en regardant le tableau.
Et puis j’ai aussi appris à me transformer en sphinx. « Chic ! se disent les messieurs qui passent par ici, il va enfin la fermer, celui-là ! ». C’est vrai, je les comprends, je suis comme ça, moi aussi : quand on en a plein le cul d’entendre des gens bavards parler pour ne rien dire, on rêve de voir le sphinx se taire.
Mais vous allez voir que ce n’est pas si évident. Pour faire le sphinx, on s’allonge sur le ventre. On pose les deux bras étendus devant soi et on relève la tête. On rapproche les bras en pliant les coudes, on prend appui sur les avant-bras et on relève la tête au maximum.
- Voilà, c’est tout, ça fera 72 euros.
- Rapace !
Nân, je déconne. Le praticien qui m’a avoué être né à 72300 La Chapelle d’Aligné ne me demandera qu’à la 3e et dernière séance en mai de les.
(Oui, de les aligner !)
Pour terminer, puisque me voilà devenu sphinx, je ne résiste pas au plaisir de vous soumettre à la question. Notre atelier d’écriture « en vrai » du mardi à la salle Mandoline s’est en effet métamorphosé la semaine dernière en fabrique de questionnaires cinéphiliques. A vous, cher(e)s Oedipes in the dark, de donner les titres des films évoqués, ci-dessous
Une robe blanche soulevée au-dessus d’une bouche de métro ?
Un charlot portant moustache joue au ballon avec un globe terrestre ?
Un défilé de mode ecclésiastique avec des chasubles qui clignotent dans un film italien du siècle dernier ?
Un parapluie orné d’un perroquet au bout du manche et ce perroquet parle à une dame à chapeau chargée d’éduquer deux enfants ?
Un rideau de douche et un couteau ?
Quatre notes d’harmonica dans un film de Sergio Leone ?
Un couple qui écarte les bras au milieu de l’océan ?
Jean-Paul Belmondo avec le visage peint en bleu ?
Une femme nue allongée sur un lit et qui demande à son amant « Est-ce que tu les aimes, mes fesses ? » ?
Deux hommes dans un canot à moteur. L’un des deux, habillé en femme, enlève sa perruque et dit : « Je suis un homme ! ». L’autre répond « Personne n’est parfait ! » ?
Un gamin tout nu dont le nom évoque un chapeau a bien du mal avec le conditionnel ?
Un type en pantalon bleu à rayures blanches fait tomber le nez du sphinx ?
Si le nez de Liz Taylor n’avait pas été ce qu’il fut, la face du monde en eût été changée ?
P.S. Je m’aperçois que j’ai oublié de vous parler des métamorphoses de libido vide en désir de rata et que je n’ai pas placé non plus « Métamorphose où j’ai mon doigt ! ». J’espère que d’autres y auront pensé à ma place !
Ecrit pour le Défi du samedi n° 293 à partir de cette consigne