DERNIÈRE CONSIGNE POUR LE BONHEUR
Ici elles ont vécu de nombreux moments fous dont il ne reste rien excepté cette feuille sur le sol.
Tout brille comme un sou neuf et tout est prêt pour recommencer comme hier et comme toujours. Les devoirs de physique, les dessins, les brouillons pourront se glisser sous le buffet des mômes ; les pubs et les flyers tomber du vide-poches, les courriers des impôts, des enveloppes diverses et des listes de courses sortir du porte-revues. Ils feront ce qu’ils voudront ceux qui viendront derrière elles.
Une porte refermée. Un dernier tour de clé. Elles s’en vont, les deux petites vieilles, roides, squelettiques et encore pleines d’une terrible énergie, vers un futur qu’on devine moins drôle.
Ils feront ce qu’ils voudront ceux qui viendront derrière elles seulement ils sont prévenus ; le billet est explicite. C’est en effet une lettre. Rédigée de leur plus belle écriture. Pleine de pleins et de déliés. Un ultime conseil de deux sœurs philosophes :
« Cher.e .s successeur.e.s
Nous prierons tout ce qui nous reste de vie pour que ce logis qui fut le nôtre vous soit immensément bénéfique et porteur de nombreux petits bonheurs indicibles (ce sont les meilleurs) comme il le fut pour nous.
Une seule condition pour obtenir ceci : que le sol de ce F4 soit toujours merveilleusement ciré.
Recevez l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Signé : les soeurs Fourmi, fées du logis. »
Et moi, poète, je m’écrie :
« Ô lettre sur le sol ! Il ne reste que toi pour témoigner d’hier…
… et un bidon de cire posé sur le linoléum du sombre corridor ! »
Ecrit pour le jeu n° 113 de Lakévio d'après cette consigne