JOURNAL IN-DREAM-TIME D'UN KIOSQUIER JALOUX ?
Ma vie privée ne regarde que moi !
Passez votre chemin avec votre appareil photo, votre curiosité malsaine et votre prétendu détachement ! Vous êtes sans doute encore une de celles qui pissent de la copie à la tonne pour tous les lecteurs de journaux ! Une fouille-merde, oui !
Ma vie privée ne regarde que moi ! Je le sais bien que sans vous, je ne serais rien ! Et d’ailleurs je ne suis rien. Rien qu’un marchand de journaux, un kiosquier, un ouvrier anonyme, quasi-sédentaire, quelqu’un sur qui on ne pose même pas le regard. A qui on demande rapidement « Le Livarot », « le Livarot magazine », « Transes soir », »Le Mouroir du cyclisme », « Le Chiasseur français », « Le Panard déchaîné », « Points de vue et images de l’immonde », « L’Aberration », « L’inanité » ou « L’Inanité-dimanche ». Ah non, celui-là, ce sont les heureux qui comme Ulysse qui le vendent eux-mêmes le dimanche quand j’ai fermé ma boutique et que je vaque à mes occupations. Mais cela ne vous regarde pas.
C’est ma vie privée et elle ne regarde que moi. Et puis d’abord c’est quoi, cette nouvelle mode d’aller coller un Leica sous le nez des braves gens ? Les concierges, les bouchers, les agents, les prostituées ? De la photographie humaniste ? Parce que vous pensez que ce monde-là va disparaître et que vous cherchez à en conserver la beauté qui est toujours poignante parce qu’éphémère ? Mais je suis désolé, ma petite dame, il y en aura toujours des putes à l’entrée des hôtels de passe, des poinçonneurs aux Lilas, des gens qui fument dans les bistrots, des agents à pèlerine et bâton blanc, des petits épiciers, des librairies et des disquaires ! Comment vous le voyez, le monde de demain ? Chacun derrière un écran, qui ne sort plus de chez lui, se fait livrer des pizzas, commande tout par téléphone, ne lit plus, passe ses journées à regarder la télé, échange avec des machines grâce à des machines, est surveillé par des machines ? Mais vous rêvez éveillée, ma petite dame ! Ou vous lisez trop de science-fiction !
En quoi ma vie privée vous concerne-t-elle ? Vous croyez que je suis un serial killer ? Vous travaillez pour la police ? Vous êtes sociologue ? J’ai bien le droit, une fois les volets baissés, une fois les quotidiens repartis, d'aller m’envoyer en l’air avec qui je veux, non ? La mère Michel qui a perdu son chat, la fleuriste du coin de la rue, la boulangère qui a des écus, même si celle-ci a un mari, mon dieu quel homme, quel petit homme ? Se pourrait-il… ? Travaillez-vous pour celui-ci ? Détective privée ?
Peu importe ! Ma vie privée ne regarde que moi. Et d’ailleurs c’est bien simple. Si un jour ma vie privée regarde quelqu’un d’autre, je l’étrangle, je lui tords le cou à ma vie privée et j’en étale des bribes au grand jour. Un morceau chaque jour. Il y a des gens que ça intéressera, j’en suis sûr. C’est que je n’aime pas les infidèles, moi, Madame ! Et tant pis si ce meurtre-là s’étale à la une des journaux ! Ou pas !
Ecrit pour "Un mot, une image, une citation" du 30 juin 2014 d'après cette consigne :
Photo par Vivian Maier |
Une citation : Toute beauté est poignante. - Amélie Nothomb
Trouvailles et vidéos
La première des trois vidéos n'a pu être publiée chez Joye pour des raisons techniques propres à Youtube. C'est pourquoi j'ai renvoyé ma contribution avec deux autres versions dont celle en viet-namien, magnifiquement illustrée et chantée mais qui m'a beaucoup fait rire. Je suis allé voir si d'autres chansons françaises existaient dans cette langue et je suis tombé, chez la personne qui l'a publiée sur une collection hilarante de... bikinis ! Allez, c'est l'été, on danse !