UN FESTIVAL ÉTONNANT
Il existe 365 sortes de fromages en France ; on y compte 36 000 communes et presque autant de festivals au coeur d’icelles quand viennent les temps estivaux. La riante cité de Sainte-Crapule, lovée sur les coteaux qui flanquent la rivière Sieste organise le sien en juillet et août. Deux mois complets ! Réservé tout d’abord aux autochtones du coin, le « Festival de la sieste crapuleuse » commence depuis peu à s’ouvrir aux « estrangers d’ailleurse ».
L’idée de ce festival hors du commun est née au Laboratoire de tourisme expérimental de Strasbourg et trouve désormais son application très sérieuse dans les agences de location de vacances : Monsieur S. peut désormais échanger temporairement son appartement de Neuilly avec la cabane en rondins de Monsieur B. sur les bords du lac de Wolfeboro : ça leur fait des vacances moins chères à tous deux. A Sainte-Crapule cet échange de logis ne s’effectue que de 14 h à 16 h, juste le temps de repérer les lieux et de s’installer confortablement en vue de s’adonner à une sieste crapuleuse.
Ah ! La sieste crapuleuse ! Qui osera chanter ses mérites ? Les médecins clament les bienfaits de la sieste mais ils ne disent rien sur la crapuleuserie ! Qui dira le premier contact doucereux du pied voisin vous frôlant et vous invitant à le prendre ? Qui donc évoquera la première caresse, celle du soleil sur la peau à travers les stores vénitiens puis celle du bout des doigts effleurant les boutons que fait surgir la danse du désir, ce ballet de Lakmé juvénile qui nous fait aspirer à un futur en forme de ciels dont certains comptent les paliers par sept ? Qui vantera les mérites éternels de la langue française ?
L’autre principe sur lequel repose le concept du festival est celui de l’importance du décor, de la variété des ambiances dans lesquelles on peut s’adonner au plaisir de la sieste à deux. Faire la sieste chez M. et Mme Moulinot, les marchands de cannes à pêche de la place de Cajarc, lézarder sur la balancelle bleu tendre de M. le baron Jet-Olion, se vautrer dans le canapé-lit du couple Fandenschtrüükensheim au calme de la rue Massile, ce n’est pas comme cocooner dans le boudoir rose bonbon de Mlle Lola, l’aguichante entraîneuse du Pym’s. Ce n’est jamais la même chose et cela excite, paraît-il, les ardeurs.
Mais attention, ce festival particulier est d’une moralité exemplaire. Ne peuvent y participer que les couples légitimes, mariés, pacsés ou en union libre. Une photocopie du livret de famille, du Pacs ou du certificat de concubinage sont exigés au bureau du festival pour pouvoir jouir du droit de visite des paradis Sainte-Crapuleux. Car Sainte-Crapule n’est pas Saint-Échange, la commune voisine où le Festival de philatélie implanté depuis plus de trente ans cherche à évoluer vers quelque chose de plus moderne.
Pas question non plus de s’aligner sur Saint-Voyeur-des-Bois où le festival « M’as-tu-vu ?» se déroule toutes portes et fenêtres ouvertes : ici les volets restent clos, même ceux des hôtels, bungalows, caravanes et tentes du camping municipal. qui vous permettent de séjourner à Sainte-Crapule pendant le festival et d’y participer : les autochtones adorent faire la sieste dans un mobil-home ou sur un matelas pneumatique !
Pour le cas où vous aussi auriez envie de tenter cette expérience originale, dépêchez-vous ! Les inscriptions sont à prendre auprès de l’Office de tourisme de Sainte-Crapule avant le samedi 28 juin 2008. Comment ? Vous ne savez pas où se trouve cette localité ? Mais enfin ! Mais…
Mais au fait, moi non plus, je ne le sais pas ! J’ai cherché la rue Massile sur Internet et je n’ai rien trouvé ! Alors, s’il vous plaît, aidez-moi, vous aussi à localiser le Festival de la sieste crapuleuse ! Ça nous intéresserait tellement, mon épouse Marina Bourgeoizovna et moi-même, de participer à ces festivités ! On a tellement travaillé plus cette année qu’on mérite bien un peu de repos en plus, non ?
Ecrit en 2008 d'après la consigne n° 24 de Kaléïdoplumes 1
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Remarques de 2024 :
La rue s’appelait en fait rue Massilié et a été renommée depuis. La photo-sujet à été prise à Gémenos (13420), cité voisine d’Aubagne.
« J’aime noces », voisine d’« Au bagne » ? N’importe quoi ! Ça flanque tout mon texte par terre !
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Kaléïdoplumes existe toujours sous la forme d'un forum privé. La première version de ce forum d'écriture (2007-2010) a disparu dans les limbes. J'ai retrouvé dans mes archives les textes que j'ai écrits et publiés chez eux (et surtout elles) entre 2008 et 2011 mais pour la période 2007-2010, je n'avais pas enregistré les consignes d'écriture 1 à 104.
Aujourd'hui, seule la version 2 de Kaléïdoplumes (2010-2013) est consultable en ligne sans inscription au forum. C'est ici :
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