SYLLOGOMANIE
Quand sonne l'heure d'accumuler les emmerdes, celles qui volent en escadrille, comme disait Jacques Chirac, le Diogène moderne ne fait pas les choses à moitié.
C'est qu'on va vers l'automne, cette saison où tout tombe, les feuilles des arbres, les principes de l'élection démocratique, les menaces contre l'État de droit, les bombes un peu partout dans le monde et les systèmes informatiques chez nous.
Diogène a beau vivre dans son tonneau, il n'est à l'abri de rien. Panache au clair et glaive nu, les hackers transpercent toutes les cuirasses, se jouent de vos antivirus et volent, à travers le ciel fou du village mondial, votre identité numérique, vos codes d'accès à la messagerie et ratent de peu ceux de votre compte bancaire.
Prenez la peine d'écouter Diogène : une fois que ce vaurien d'Alexandre s'est retiré de son soleil, il clame que le temps se vêt de brume.
- Ces atteintes blessent mon cœur et ces bougres d'éditeurs en rajoutent, fermant mon compte Youtube et supprimant l'accès à ce blog de photos ou j'ai oeuvré, entre 2007 et 2013, pour montrer à ma mère, encore vivante alors, et au monde pas encore assassiné par les zéros sociaux et ChatGPT, la vraie chanson vivante d'un homme naïf qui regarde à tous les coins des carrefours. Il cherche et partage, de l'Est à l'Ouest, du Sud au Nord, tout ce qui peut relever de la vie drôle et des belles choses : les plumes d'oiselles des demoiselles au carnaval, les nuages par-dessus la mer, les survivances des jours anciens, vieilles voitures, manèges d'enfants, étalages de braderies, feuilles mortes d'anciens automnes, randonnées, voyages dans les îles et les villes…
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Mais bon, tout n'est pas tout à fait perdu. Je ne suis pas ici pour vous raconter la vie de Diogène mais puisqu'il souffre sans douleur d'un syndrome d'accumulation sachez qu'il jongle ces temps-ci entre ses disques durs externes pour récupérer ses images perdues, les republier ailleurs, les sauvegarder par un double exemplaire pour le cas où une autre atteinte imprévue aussi bien que mortelle ne vise la matrice par trop unique.
Dès lors Diogène à décrété qu'il passerait un bel automne dans son tonneau : il y a 1773 pages html à enregistrer ! Il en a récupéré déjà 250 ces deux derniers jours. Il a l'impression d'avancer à la même vitesse que les deux escargots de Jacques Prévert.
Il n'est pas sûr pour autant qu'il les rende à nouveau accessible sur la toile. La poésie, au sens large du terme, peut-elle supporter d'être entourée, cachée, parasitée, annihilée par un flot de publicités triviales comme c'est le cas sur Youtube et sur Canalblog actuellement ?
Au-delà de cela, Diogène ne ressemble-t-il pas, à vouloir rassembler ses trésors dans un seul et unique tonneau sécurisé, à cet arbre d'octobre, échappée du tableau des joueurs de football de la semaine dernière - et d'Henri Rousseau -, arbre qui courrait après ses feuilles rousses, en hurlant, tant la bise le fait craquer : « Revenez ! Revenez ! J’étais très attaché à vous ! ».
Une chose est sûre: si Diogène chope une tendinite de l'épaule droite elle sera due à un usage immodéré de la souris et non, comme chez les véritables gens de gauche, à la pratique du poing tendu dans les manifs. Ce n'est pas lui assurément qui chantera jamais « Du passé faisons table rase ! ».
C'est difficile de lutter contre ses (syllogo-) manies !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 1er octobre 2024
d'après la consigne AEV 2425-04 ci-dessous