99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 80, Logorallye de mots pour dictée provençale
A cette époque-là les moutons – les moutonsses ! - et brebis que nous avions nourris, soignés et engraissés (nourri·e·s, soigné·e·s et engraissé·e·s ?) dans nos verts pâturages parurent si florissants et si appétissants à une espèce de phacochère géant, saltimbanque dégingandé mais gras du bide, du genre cracheur de flammes à écailles, que Sa Bedonnance – ainsi le surnommâmes-nous – s’en vint pour bouffer au moins cent-vingt de nos ovins et ce sans vin car la bête obscène et malsaine s’était tant abreuvée d’absinthe qu’elle avait la langue et la peau toutes vertes et ne buvait plus rien d’autre. Un bâfreur fin de siècle, voilà bien ce qui nous manquait !
Économiquement parlant, nous sombrâmes dans l’abîme, coulâmes dans les abysses et, à contempler la courbe qui dégringolait vers le niveau zéro de l’abscisse, il ne fallait pas être un grand crack pour voir se profiler le krach de notre petite entreprise.
Plus rapides que des coléoptères fuyant un incendie, nous traçâmes de belles arabesques dans le labyrinthe de l’administration et nous quérîmes – pardon, ça ne se conjugue pas ! - nous nous en fûmes quérir l’attention,la sollicitude et l’assistance de notre autorité compétente – en un seul mot, s’il vous plaît, « compétente » !-.
Quoique nous eussions toujours payé nos impôts avec une régularité métronomique nous fûmes estomaqués d’apprendre que Sa Ventripotence – ainsi surnommait-on Naq Oun Solflèch, notre monarque – ne pouvait lever contre l’envahissant dragon une armée valable.
- Quoi que j’ordonne, nous expliqua-t-il, et malgré mon désir d’envoyer des troupes sur le terrain, ma soldatesque ne veut plus que procéder au réarmement démographique du pays. Ils sont tous au garde-à-vous, à la queue leu leu et réclament, tout nus dans leur serviette, un bordel de campagne ! Des brêles, toujours à faire le Jacques ! Des Gaulois réfractaires !
Tout alla donc de mal en pis et nous faillîmes tous devenir chèvres. Après avoir boulotté tous les troupeaux de la contrée Sa Bedonnance réclama des jouvenceaux et des sylphides. Pas pour faire comme Joseph Prunier ou Harvey Weinstein, non. Pour les bouffer.
Heureusement pour nous un militaire romain aguerri passa par-là et nous guérit de ce malade. Qu’il fût chrétien, déserteur et voué à devenir martyr nous importa peu. Un certain palimpseste bien gratté, bien tapé et bien épais, écrit par un bibliothécaire resté anonyme, raconte de quatre-vingt-dix-neuf façons différentes que le soldat se fit fort, en échange d’une statuette en onyx représentant Taylor Swift, son idole, de nous débarrasser du monstre. Une tâche dont il s’acquitta avec maestria lors d’un combat épique dont les observateurs disent que ce fut un maelstrom d’une rare violence.
image aimablement communiquée par Dame Adrienne
Il se rapporte aussi que dans le sang de la bête disloquée une fleur poussa que les savants botanistes appelèrent « asphodèle » mais que nous baptisâmes du surnom de « Sa printanière ».
Mais j’arrête de vous embêter avec mes histoires. Nous vivons dans la paix et la prospérité, l’eau coule à nouveau dans les collines, la femme du boulanger est revenue au domicile conjugal, Pomponette aussi et plus personne ne fend le coeur à personne. Il faut juste, maintenant, que j’aille rentrer mes moutons.
Mes moutonsses, bordel ! Vous le faites èqueuseuprès ou quoi ?
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 14 mai 2024
d'après la consigne AEV 2324-28 ci-dessous